« Les hommes s'imaginent parler des choses sous le même rapport, mais c'est parce qu'ils ne sont pas conscients des différences ni des changements de perspective. De là vient leur désaccord. Et pourtant, si leurs discours s'opposent, ils ne se contredisent pas réellement. Deux hommes qui ne s'entendent pas sur le goût du miel ou sur la forme qu'a la tour, même s'ils parlent bien de la même chose (du même miel, de la même tour), et même s'ils paraissent bien en parler sous le même rapport (le goût du miel, la forme de la tour), n'en parlent pas du même point de vue : l'un et l'autre ne sont pas dans les mêmes conditions physiques en goûtant le miel, et si l'un dit que la tour est ronde alors que le second affirme qu'elle est carrée c'est qu'ils ne se trouvent pas à la même distance de la tour. En d'autres termes, ils ne se contredisent pas car ils ne parlent pas vraiment de ce dont ils parlent « sous le même rapport », même s'ils ont l'air de le faire. Voilà ce qui nous paraît constituer l'apport proprement sceptique en ce domaine et qui repose sur la découverte que les gens ne peuvent avoir, spontanément, des opinions identiques parce qu'ils ne parlent pas tout à fait des mêmes choses, chacun ne voyant le monde que de sa situation personnelle. L'accord entre les hommes ne pourrait venir que d'une réflexion sur ces différences de points de vue et sur leur partialité respective : en les expliquant, peut-être les dominerait-on par la pensée. C'est la raison pour laquelle les questions de méthode sont primordiales aux yeux du sceptique grec. »
(Françoise Caujolle-Zaslawsky, "Le scepticisme
selon Hegel", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger,
T. 163 (1973), pp. 461-476).
"Par « sceptiques », je désigne ici à la fois les
philosophes de ce nom (comme Pyrrhon, Timon de Phlious ou Enésidème), bien
distincts des représentants de la nouvelle Académie, et ceux des médecins
anciens qui se sont ouvertement rattachés au scepticisme (Ménodote de Nicomédie
est le plus connu). Pour ces derniers, on a l'habitude de les appeler «
empiriques » plutôt que « sceptiques », non qu'ils aient défendu une doctrine
empiriste -les empiriques grecs ne sont pas des empiristes- , mais en raison de
l'importance primordiale qu'ils ont reconnue à l'expérience [...] Le courant
philosophique et le courant médical se sont si bien mêlés au sein du mouvement
sceptique qu'il est souvent difficile de déterminer si tel ou tel de ses
représentants a été médecin ou philosophe." (p.371)
"La pensée sceptique, par l'intérêt qu'elle
accorde, à travers les phénomènes, non point seulement à la perception, mais
aux modifications de la sensibilité par différents facteurs et sous certaines
conditions, était naturellement destinée à en arriver, tôt ou tard, à des
considérations d'ordre médical. En sens inverse, le sectarisme croissant des
écoles médicales (où l'on est allé, à une certaine époque, jusqu'à engager des
rhéteurs affectés à la propagande ainsi qu'à la défense des thèses doctrinales
contre les théories médicales adverses, lors de polémiques incessantes) ne
pouvait qu'attirer plus d'un médecin vers l'antidogmatisme sceptique. Ce
phénomène de convergence pourrait s'être manifesté assez vite, et d'abord,
vraisemblablement, dans le camp philosophique. En tout cas, la rencontre était
consommée à l'époque de Ptolémée de Cyrène, dont Diogene Laërce (IX, 115) nous
dit qu'il fit renaître le scepticisme après une éclipse qui durait depuis la
mort de Timon de Phlious, et dont par ailleurs Celse (VI, 7, 2 b) et Galien (De
la composition des remèdes topiques, XII, 584, 5 Kühn) nous rapportent des
prescriptions médicales. On retrouve la même association chez Sextus Empiricus,
médecin comme l'indiquent son nom." (pp.371-372)
"En effet, Démocrite, comme le feront les
sceptiques, part de l'incohérence des phénomènes [...] en faisant l'observation
que le miel apparaît doux aux uns alors qu'il apparaît amer aux autres. Là se
borne la ressemblance. Car cette observation commune initiale va donner lieu à
deux raisonnements divergents. Celui de Démocrite le conduit, en un premier
temps, à nier et que le miel soit doux et que le miel soit amer, et à tirer de
là, en un second temps, une conception atomiste du réel.
Or, d'un point de vue sceptique, c'est là se conduire
deux fois de suite en dogmatique : d'abord en faisant sur le miel une assertion
négative, ensuite en posant une opinion doctrinale sur la nature de la réalité.
Les sceptiques, au contraire, en disant que le miel n'est ni doux ni amer,
n'affirment pas comme une vérité qu'ils n'est réellement ni l'un ni l'autre :
ils constatent seulement, devant l'incohérence des phénomènes, qu'ils ne sont
pas en mesure de se prononcer sur la nature réelle (douce, amère ou autre) du
miel, car rien ne leur permet d'affirmer que tel phénomène (soit, par exemple,
la douceur) est plus conforme que tel autre (l'amertume) à la réalité du
miel. Un phénomène en vaut un autre, et tout phénomène, en tant que
tel, est incontestable. C'est dire qu'on n'a pas davantage le droit de nier
(comme le fait Démocrite) sa conformité au réel que de l'affirmer. Le sens
sceptique du « ni l'un ni l'autre » est donc un refus d'assertion, fondé sur
l'absence de tout critère autorisant à poser comme vrai ou à rejeter comme faux
que le miel soit doux ou bien qu'il soit amer.
Il ressort de ce qui précède que le « ni l'un ni
l'autre » ne porte plus, comme chez Démocrite, sur les phénomènes eux-mêmes,
mais exclusivement sur les assertions positives ou négatives qui sont faites à
leur sujet, c'est-à-dire sur le discours qui porte sur les phénomènes.
C'est là un point sur lequel il importe d'insister en raison des erreurs
d'appréciation que sa méconnaissance a entraînées sur la pensée sceptique. Le
champ d'application du « ni l'un ni l'autre » est, en effet, bien délimité par
les sceptiques, et extrêmement précis : le « ni l'un ni l'autre » porte, de
manière exclusive, sur des énoncés, et sur des énoncés dogmatiques. Comme le
déclare explicitement Sextus Empiricus, dans un passage capital et trop souvent
négligé de ses Hypotyposes pyrrhoniennes (I, 19), la mise en
question sceptique n'a pas pour objet les phénomènes, mais ce qui est dit au
sujet des phénomènes : ce n'est pas la même chose. Une telle mise au point
aurait dû suffire à écarter une fois pour toutes un des préjugés les plus
répandus sur le scepticisme, et d'après lequel cette philosophie instruirait à
douter de ses propres sensations. En réalité le sceptique ne conteste
nullement ce qu'il ressent (autrement dit, ses phénomènes, ce qui lui
apparaît). Qu'il se trouve avoir chaud, froid, faim, soif, sommeil, etc., il ne
songe pas un instant à nier le fait de ses impressions présentes, ni à les
mettre en doute : s'il a froid, il ne refuse pas d'admettre qu'il a une
sensation de froid ; tout ce qu'il refuse, c'est de trouver légitime le passage
-auquel les dogmatiques se croient autorisés- de l'expression d'un état
personnel (« j'ai froid ») à l'assertion, c'est-à-dire à l'affirmation comme
vrai de l'énoncé « il fait froid ». Ce passage à l'assertion est
caractéristique du discours dogmatique, et c'est spécialement à ce titre qu'il
rassemble sur lui l'attention critique et les objections des sceptiques. En
d'autres termes, l'objet des attaques sceptiques ne représente pas l'ensemble
des énoncés possibles, ni même la totalité des énoncés qui figurent dans les
œuvres doctrinales (car tout énoncé n'est pas dogmatique, et de plus tous les
énoncés d'un dogmatique ne sont pas nécessairement dogmatiques), mais consiste,
de façon beaucoup plus restreinte qu'on ne s'est plu à le prétendre, en une
forme typique d'énoncé, qu'on ne trouve que chez les dogmatiques et qui
constitue, justement, leur dogmatisme. Qu'on supprime cette forme et le
dogmatisme disparaîtra simultanément -mais non la philosophie. Cela aussi doit
être précisé, puisqu'un autre des préjugés nombreux qui pèsent encore sur le
scepticisme lui attribue autoritairement le projet de détruire toute la
philosophie. Il n'en est rien, et loin de vouloir la destruction de la
philosophie, le sceptique s'évertue à la guérir -à la guérir du dogmatisme qui
la rend malade. Car le dogmatisme n'est pas la philosophie, même si l'on a pris
l'habitude de les confondre, il n'est qu'une maladie de la philosophie. Cette
maladie consiste à exprimer comme une vérité pure et simple, ou absolue, ce
qui n'est vrai que conditionnellement ou d'un certain point de vue."
(pp.373-374)
"Il est par conséquent incorrect de prétendre que
le scepticisme renverse jusqu'aux principes logiques eux-mêmes, dans son
universelle mise en question des énoncés : ces principes sont des règles et non
des opinions dogmatiques ; dès lors, il serait tout à fait oiseux, de la part
des sceptiques, de les soumettre à un examen qui ne les intéresse pas."
(p.375)
"La double négation (« ni... ni ») a pour avers
une double affirmation (« et ... et »). Or, la confrontation des deux aspects
se révèle créatrice. En effet, la seule façon cohérente de faire coexister ici
négation et affirmation consiste à dire que le miel -pour reprendre notre
exemple- n'est ni doux ni amer « absolument parlant », mais qu'il peut être «
d'un certain point de vue » doux et « d'un certain point de vue », différent du
premier, amer. La notion de point de vue, outre qu'elle évite
l'impossibilité logique qu'il y aurait à vouloir affirmer simultanément deux
énoncés contradictoires, conduit à préciser en quel sens, de quelle manière,
dans quelles limites, chacun d'entre eux peut être affirmé -ce qui a
le double avantage de substituer à des énoncés dogmatiques et par là même
aporétiques (car affirmer absolument ce qui n'est pas absolument vrai provoque
automatiquement la contradiction) des énoncés euporétiques et beaucoup
plus riches d'informations que les précédents du fait que leurs prémisses et leurs
conditions de validité auront été mises au jour. On admettra sans
peine la supériorité d'un énoncé sceptique tel que, par exemple, « le miel
prend fréquemment une saveur amère dans l'ictère », sur les énoncés dogmatiques
« le miel est doux », « le miel est amer »." (pp.376-377)
"Il y a, dans l'action, une urgence inconnue
dans le monde théorique, et ce qui convient à l'un des deux domaines est
justement ce qui est préjudiciable à l'autre. Or, les dogmatiques, au
moment même où ils sont prêts à tenir pour une simple banalité le rappel du
fait que la théorie n'est pas l'action, continuent curieusement à ne pas en
tenir compte : loin d'en tirer la moindre conséquence dans leur conduite, ils
poursuivent leur rêve d'un passage continu du théorique au pratique, d'un comportement
unifié. Au contraire, les sceptiques sont disposés à diversifier leurs
façons d'être et leurs façons de faire autant que les leçons de l'expérience en
montreront la nécessité. Or, l'expérience montre au sceptique que le « ni l'un
ni l'autre » dont il use dans le domaine théorique pour traiter des énoncés
dogmatiques n'est pas un instrument adapté au domaine non théorique, qu'il
s'agisse de l'éthique ou de la vie courante (en langage kantien : de la
pratique ou de la pragmatique). A cet égard, les dogmatiques ont raison de
penser que le « ni l'un ni l'autre » constitue pour l'action un obstacle
insurmontable e, ou plutôt ils auraient raison de l'objecter au sceptique si ce
dernier avait effectivement l'intention d'introduire en ce domaine-là un tel
schéma de suspens : mais ce n'est justement pas le cas. Comme nous l'avons déjà
vu plus haut, la formule ne s'applique qu'à un type particulier d'énoncés ;
c'est-à-dire que, quel que soit le domaine considéré, le « ni l'un ni l'autre »
ne s'appliquera pas aux phénomènes, ne s'appliquera qu'au discours et, plus
étroitement encore, ne s'appliquera au sein du discours qu'aux thèses
dogmatiques. C'est ainsi que, dans la vie pratique, le sceptique
rejette tout énoncé qui affirme, sur les phénomènes, autre chose ou plus qu'ils
ne montrent. Cette politique ne le laisse nullement démuni devant l'action
et les choix qu'elle implique, puisqu'il dispose, justement, des phénomènes
pour l'informer et le guider. Le principe sceptique de « suivre la vie »
n'invite ni à tourner comme une girouette à chaque sollicitation nouvelle, ni à
demeurer inactif (car [terme grec] pyrrhonienne est un retrait à l'écart des
affaires publiques, signifiant que le sceptique, contrairement au stoïcien, ne
sera pas un conseiller politique, mais elle n'implique pas pour autant
l'absence de toute forme d'activité [...] « Suivre la vie », c'est
tenir compte de certaines données -dont nous faisons l'expérience par le seul
fait de vivre-, et, notamment, de notre constitution physique, de notre
capacité de percevoir et de raisonner, de nos dispositions et de nos
idiosyncrasies, de la nécessité des affects ; ou encore, de notre localisation
dans un certain pays, de notre insertion dans un certain groupe social, avec ce
que cela suppose de traditions, de lois, de technique." (pp.377-378)
"Les empiriques vont, en un second temps,
employer l'observation pour opérer ce retour aux faits (aux phénomènes), pour
les consigner, les comparer, compter leur fréquence, relever leur ordre de
succession, distinguer les coïncidences et les relations trop réitérées pour
être de hasard, et enquêter sur eux de toutes les façons possibles."
(p.379)
"Si les empiriques ont rejeté les démonstrations
et raisonnements a priori, ils n'ont pas rejeté toute forme de
raisonnement, malgré ce qu'on a prétendu d'eux à cet égard. Une fois encore
leurs critiques ont confondu, involontairement ou à dessein, leur attitude
nuancée (refus d'un certain type de raisonnement) avec une attitude absolue et
pour tout dire dogmatique (refus du raisonnement comme tel). Le raisonnement
par épilogisme est une démarche de généralisation progressive, qui se fonde
sur l'appréhension et l'appréciation de similitudes dans les objets observés.
Ce raisonnement suppose l'analyse des phénomènes en éléments pertinents (dans
l'observation des vents, par exemple, ce ne sont pas exactement les mêmes
signes qui intéressent le navigateur et l'hygiéniste), et leur hiérarchisation
relativement aux circonstances ; il suppose également la détermination du point
de vue par rapport auquel seront évaluées ressemblances et différences. La
récapitulation des similitudes retenues permet en un premier temps d'obtenir
par induction une proposition générale, et c'est alors qu'intervient
l'épilogisme, qui consiste, toujours en fonction de ressemblances, à rattacher
un fait singulier, accidentellement obscur, à une ou plusieurs propositions
générales préétablies (mais non dogmatiques en ce qu'on n'en fait à aucun
moment l'assertion indépendante). D'où il ressort que l'épilogisme, tout comme
l'observation (et cette observation indirecte qu'est l'histoire « casuistique
»), sert à mettre concrètement en œuvre, plus encore que le « ni l'un ni
l'autre » (principalement utilisé pour écarter les thèses dogmatiques), le « et
l'un et l'autre ». En se fondant, en effet, sur l'observation des similitudes
constantes jointe à celle des phénomènes singuliers qui rompent cette
constance, l'épilogisme permet de préciser comment c'est à la fois « l'un et
l'autre », c'est-à-dire en quoi c'est « l'un » et en quoi c'est « l'autre ».
Ainsi, par exemple, à partir de l'observation que la ciguë se comporte le plus
fréquemment comme un poison pour l'être humain, mais qu'elle est une nourriture
courante pour les cailles, l'empirique découvre déjà que la notion dogmatique
de « poison » est suspecte. L'observation des cas singuliers montrant que la
substance en question ne se comporte pas toujours comme un poison, même chez
l'homme, vient renforcer l'hypothèse que la ciguë pourrait n'être dangereuse,
pour l'homme, que sous certaines conditions. Dès lors, il reste à découvrir
comment agir sur ces dernières pour que, les conditions étant modifiées, ce qui
était un poison pour l'homme se comporte désormais comme une substance neutre,
voire comme un remède. Ainsi, le travail empirique consiste à tirer de
l'observation des faits la conclusion que l'énoncé dogmatique « la ciguë est un
poison » est à rejeter parce que différents phénomènes l'infirment -comme
serait infirmé le contradictoire, tel qu'aurait pu l'énoncer la vieille femme
d'Attique, en assurant que « la ciguë n'est pas un poison », qui est donc à
rejeter aussi." (pp.380-381)
-Françoise Caujolle-Zaslawsky, "La méthode des
sceptiques grecs", Revue Philosophique de la France et de
l'Étranger, T. 172, No. 2, ÉTUDES DE PHILOSOPHIE ANCIENNE: Hommage à
Pierre-Maxime Schuhl pour son quatre-vingtième anniversaire (Avril-Juin 1982),
pp. 371-381.
Post-scriptum : La perspective sceptique -que j’ai
nommé, faute de mieux, « contextualiste »- est épistémologiquement
très forte. Elle nous invite à dégager ce qu’on pourrait appeler des « énoncés »
conditionnés, c’est-à-dire des affirmations qui ne sont vraies que
relativement à des conditions qu’il s’agit d’expliciter. Par exemple, la ciguë
est un poison pour l’homme et à partir de telle quantité, etc.
Pourtant, tous les énoncés ne semblent pas se prêter à
une relativisation de ce genre. Considérons par exemple quelques affirmations :
1) « Socrate
était un Athénien. »
Ou bien :
2) « La
douleur est une sensation. »
Ou bien :
3) « Une
table est un meuble. »
Ou bien
4) « Cette
chaise est bancale. »
On ne voit pas bien en quoi ces énoncés pourraient être
relativisés. Ce sont des faits qu’on ne peut pas ramener à un point de vue
situé et contextuel, ou à des conditions qui les rendent justes à un moment,
mais faux ultérieurement. Le fait que Socrate fut athénien est vrai de façon
absolue. La douleur n’est pas une sensation à condition que quelque
chose…
Certains énoncés sont donc inconditionnellement vrais.
Ils sont vrais indépendamment de tout contexte. Il y a des donc des jugements
qui touchent à une vérité absolue, inconditionnée sur les choses.
(On notera que les jugements 2 et 4 sont, dans la
terminologie de Kant, analytiques : il entre dans la définition de
la douleur d’être une sensation, la proposition ne fait qu’expliciter un aspect
du sens du terme « douleur ». Tandis que l’énoncé 4) est un jugement synthétique :
il associe un sujet à un prédicat. Toutes les chaises ne sont pas bancales, l’énoncé
n’est donc pas une simple explication du sens du mot « chaise », il
apporte une information sur une caractéristique particulière, propre à cette
chaise individuelle.
Quant au jugement 1), il comporte un nom propre, ce
qui amènerait un débat sur le caractère analytique ou synthétique de la
proposition).
On ne voit dès lors pas ce qui disqualifierait certains jugements
que le sceptique qualifie de « dogmatiques ». Par exemple :
5) « Une
fourchette métallique n’est pas un liquide. »
Ou, sous une forme d’assertion positive :
6) « Irréductible
à des valeurs morales, le christianisme est dans son essence un phénomène
religieux. »
Il s’ensuit dès lors que la connaissance peut porter
sur l’essence des choses et non simplement sur le phénomène pour un sujet
situé.
Par conséquent, et malgré son utilité momentanée au sein du processus de connaissance, le scepticisme antique est une doctrine philosophiquement invalide.
Hum… C’est une question intéressante, et force est de constater que je ne vois pas vraiment en quoi le scepticisme, ancien ou moderne, pourrait être réfuté. Vos exemples sont intéressants. Votre énoncé 6 ne me semble pas renvoyer à une vérité apodictique, pour la bonne raison qu’il n’y a pas d’essence du « christianisme ». C’est une notion culturelle, et à propos de laquelle il n’y a même pas de consensus entre les chercheurs. Quant à l’énoncé 5, il renvoie à des phénomènes sensibles et empiriques entièrement conditionnés par la nature de notre faculté de connaître. Dans le cadre de cette faculté de connaître, oui, l’énoncé est vrai, mais de là à conjecturer sur une prétendue « essence » de la fourchette, ce serait tomber en plein platonisme, et je ne suis pas sûr que cela vous conviendrait d’être étiqueté comme tel. En somme le criticisme transcendantal établi par Kant dans La Critique de la raison pure me semble très difficile à réfuter lorsqu’on se place sur ce terrain de la connaissance de la vérité. Il n’y a guère que les vérités mathématiques que l’on pourrait qualifier de vérités absolues, et encore, là aussi il s’agit de vérités relatives à un ensemble de conventions posées a priori.
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