[Je donne ici des arguments contre ; je n’attaque pas les arguments « pour », en général comiques -du genre « appartenir à l’UE améliore la puissance diplomatique française » ou bien « nous sommes en paix depuis 1945 grâce à l’UE »...]
I : Nature anti-démocratique des institutions
européennes.
L’argument a comme prémisse qu’il est bon de vivre
sous un régime démocratique, ce que j’ai tâché de démontrer ailleurs.
Les promoteurs du processus, de Monnet à Jacques Attali,
ne s’en sont jamais caché : « L'Europe ne procède pas d'un
mouvement démocratique. Elle procède d'une méthode que l'on pourrait définir du
terme de despotisme éclairé. » (Tommaso
Padoa-Schioppa, Les enseignements de l'aventure européenne, Commentaire,
n°87, automne 1999).
L’Union européenne est gouvernée par la Commission,
dont les membres sont nommés par les gouvernements des pays membres.
(Rappel : l’élection n’est pas une procédure démocratique mais aristocratique. Le peuple donne a
quelqu’un le pouvoir de décider à sa
place). Nous avons donc une dépossession
au carré : des élus choisissent discrétionnairement des gens qui vont
ensuite prendre des décisions publiques, s’appliquant y compris au dits
« élus du peuple ».
L’UE ne respecte pas le principe de séparation des pouvoirs. La Commission
détient une puissance de type exécutive, mais également législative puisqu’elle
est à l’origine des lois débattues au Parlement européen, et qu’elle dispose
des moyens de bloquer le processus parlementaire. La Commission contrôle en outre
la carrière des juges européens.
L’UE n’est donc pas un régime démocratique mais plutôt
une bureaucratie supranationale rappelant le gouvernement des empires coloniaux
ou de l’ex-Union soviétique (le parallèle UE / URSS avait d’ailleurs été fait
dans un ouvrage de l’ancien dissident soviétique Vladimir Boukovsky).
II : Cohésion sociale, Etat-providence et
Sécurité intérieure.
On peut considérer que ce sont trois arguments
distincts, mais qui reposent sur les mêmes prémisses sociologiques :
Les travaux de Robert
Putnam aboutissent à la conclusion que, plus la diversité culturelle et ethnique d’un territoire (ville, etc.) augmente, plus le capital social (qui détermine la confiance sociale) diminue. La thèse de sociologie de Benjamin Richards soutient également que la cohésion sociale
augmente lorsque les individus partagent un sentiment d’appartenance à une même
nation.
Le processus de construction européenne a été menée contre
les Etats-nations des pays membres. Il s’agissait de faire naître un peuple
européen (programme d’échange Erasmus, liberté de circulation intérieure, symboles
de l’histoire européenne ajoutés sur la monnaie, etc.). L’UE a également
favorisé la formation d’identités transfrontalières (programme euro-régions) et
certains mouvements indépendantistes, contre les nations existantes.
L’UE participe donc pleinement à la disparition du
sentiment d’appartenance nationale et à la mise en cohabitation de populations
culturellement hétérogènes (contexte de mondialisation).
On pourrait mentionner différemment éléments indiquant
que nous subissons déjà la chute de confiance
sociale qui doit en être la conséquence nécessaire.
On peut ajouter deux autres conséquences
fâcheuses :
-La comparaison France / USA et d’autres suggèrent qu’un certain degré de proximité socio-culturelle est nécessaire (ou facilite fortement) la constitution d’un Etat-providence (thèse de David Goodhart notamment).
En effet, les individus sont peu susceptibles de
consentir à un niveau important d’impôts et de redistribution sociale s’ils
estiment que les autres citoyens « ne leur ressemblent pas ». En somme,
l’Etat-nation serait une condition nécessaire pour la formation d’un
Etat-providence. Cette proposition semble aussi vérifiée si on compare
l’histoire française entre 1890-1960 d'un côté, et entre les années 1970 et notre époque.
-En deçà d’un degré minimal de confiance sociale, la
cohésion d’une entité politique ne peut pas être maintenue. Il y a donc un
risque de guerre civile et/ou de scission de certains Etats de l’Union.
III : Sécurité internationale.
L’UE est une alliance militaire (Article 42 du traité
sur l'Union européenne). Pourtant, la France est actuellement le seul pays
membre doté de l’arme atomique. C’est aussi le seul pays membre disposant d’une
armée crédible (capacité de projection extérieure) sur le continent.
Cela signifie que la France est légalement contrainte
d’assurer de la sécurité extérieure de tous les pays membres.
On pourrait s’attendre que ce protectorat de fait signifie, comme à toutes les époques
historiques, que la France reçoive des « tributs » et des avantages
financiers de la part des pays protégés. De manière extraordinaire, il n’en est
rien. Nous faisons ça gratuitement !
De plus, on ne voit pourtant pas du tout quel serait l’intérêt de la France à
défendre par les armes, disons :
-La Grèce ou Chypre en cas de conflits avec la
Turquie.
-La Pologne ou les Pays baltes en cas de conflit avec
la Russie.
Ou l’Espagne contre le Maroc, etc.
L’appartenance à l’UE est donc belligène puisqu’elle menace de nous amener à faire des guerres que
nous n’avons nulle raison valable de faire.
C’est une situation aberrante.
IV : Les arguments économiques.
Ils sont moins « vitaux » que les
précédents, mais important néanmoins.
IV.1 : La nocivité de l’euro.
L’euro, dont on peut faire remonter la genèse à la
politique du « franc fort » des années 1980, est un échec économique.
Ses partisans promettaient une relance de la croissance. Les travaux de Jacques Sapir, grand critique de
l’euro, montrent que l’euro-zone est depuis sa naissance la zone monétaire du
monde qui connaît la plus faible croissance.
Selon l’économiste Jean-Jacques Rosa, la France perd 3 points de croissance annuelle
avec l’euro.
L’euro est considéré comme un échec par des
économistes appartenant à pratiquement toutes les écoles ou courants de pensée
économique. Le prix Nobel d’économie Joseph
Stiglitz, un néo-keynésien partisan de l’euro pendant 30 ans, est lui-même
revenu de cette idée. La zone euro ne remplit pas les conditions pour être une zone monétaire optimale.
L’euro est probablement un problème pour l’ensemble des pays membres, mais particulièrement pour l’ « Europe du Sud » (France, Espagne, Italie, Grèce). Son cours est trop élevé pour la compétitivité économique française. Il a joué un rôle important dans le processus de désindustrialisation (la France a perdu 2 millions d’emplois industriels depuis 2000 !).
L’absence de contrôle de la monnaie doublée de l’adhésion à une UE très faiblement protectionniste tend à nous obliger à imiter la modération salariale allemande et à limiter les prestations sociales (programme de tous les partis au pouvoir depuis les années 1980 et de tous les candidats ayant une chance en 2022 : Macron, Pécresse, Zemmour, etc.).
En somme, l’euro nous contraint soit à des politiques anti-sociales réclamées par le bloc bourgeois dominant, soit à des relances keynésiennes
inefficaces en économie ouverte (position de Mélenchon et de la gauche
soi-disant radicale).
IV.2 : La France est contributeur net au budget de l’UE depuis des décennies.
Nous perdons directement entre 2 et 12 milliards
d’euros par an, selon les années. Depuis 2000, l'UE nous a fait perdre au moins 136 milliards d'euros !
IV.3 : Argument commercial.
L’UE est faiblement protectionniste (les barrières
douanières sont surtout non-tarifaires). Cela met en concurrence peu soutenable
des pays à forte couverture sociale et avec des exigences environnementales
importantes en matière de régulation économique, avec des pays qui le sont
beaucoup moins (Chine, Brésil, etc.).
Le bon marché de produits « socialement et
économiquement moins disant » est aussi en lui-même peu écologique puisque
cela favorise les importations de produits extra-continentaux.
Ce sont d’ailleurs des causes directes du mouvement en cours (février 2024) des agriculteurs français, noyés par la concurrence étrangère et l’écart de réglementation.
Sortir de l’UE nous permettrait de choisir une
politique commerciale plus adaptée à l’économie française et à nos choix de
société.
V : Argument géopolitique de la vassalisation par
les USA.
« Rien ne pourrait nous être plus agréable que
d’apprendre que les Etats d’Europe occidentale ont décidé de réunir dans une
ville d’Europe – disons à Luxembourg – des délégués responsables, avec mandat
de rédiger l’acte constitutionnel de l’Europe, de désigner la capitale de
l’Europe, etc. et qu’à partir du 1er janvier, l’Europe occidentale fonctionnera
comme fédération. Aucune décision ne pourrait mieux nous aider dans la tâche
que nous poursuivons. » (Le général Eisenhower
(ensuite président des USA), PARIS-MATCH, publié le 27 octobre
1951, page 18).
A
contrario du discours officiel sur
« l’Europe-puissance » faisant contrepoids aux USA, la construction
européenne a été durablement soutenu par ces derniers. Il est admis aujourd’hui
que Jean Monnet était un collaborateur de la CIA payé pour favoriser la formation d’un Etat européen fédéral. Ce qui prouve que le gouvernement américain n’a
jamais redouté l’UE et l’euro, bien au contraire.
Durant la crise de la dette publique grecque, les USA
ont fait pression sur la Grèce pour les convaincre de rester dans l’euro. Idem
au moment du Brexit, lorsque le président Obama
a fait une visite d’Etat pour faire savoir aux Britanniques qu’ils devaient
rester dans l’UE.
L’inefficacité bureaucratique de l’UE et le fait qu’elle
serait un continent sous direction extérieure des USA avaient été dénoncé
publiquement par le président De Gaulle
(discours sur le « fédérateur extérieur », 15 mai 1962).
VI : Argument de l’efficacité de l’action
publique.
Le mélange de contraintes juridiques bureaucratiques
et de promotion constante de la libre-concurrence et du marché (jusqu’à
l’absurde, voyez le secteur de l’énergie) qui caractérise l’idéologie
européiste aboutit à la paralysie préméditée de la capacité d’action de l’Etat.
« Le haut fonctionnaire a eu un choc. La
dernière fois que Thierry Aulagnon avait dirigé le cabinet d’un ministre de
l’économie, c’était au début des années 1990. Revenu à Bercy en 2016, après
presque trente ans dans le secteur privé, il a été sidéré de voir combien
l’Etat avait changé. Comme si, en matière de politique économique, ce dernier
avait organisé sa propre impuissance. « J’ai eu le sentiment que
l’action de l’Etat était devenue beaucoup plus difficile », résume-t-il.
Dans son rapport d’étonnement : des
contraintes européennes qui n’existaient pas trente ans plus tôt, ni sur le
budget ni sur la dette ni sur la politique industrielle (à travers le régime
bruxellois des aides d’Etat). « Il y avait d’autres difficultés, comme
l’hyperinflation ou la fébrilité des taux de change, mais pas de contraintes
européennes », note-t-il. […] Le résultat, c’est que l’action de l’exécutif est
entravée. »
(« Pour en finir avec McKinsey, il faut
rengraisser le mammouth », 13 avril 2022 : https://descartes-blog.fr/2022/04/13/pour-en-finir-avec-mckinsey-il-faut-rengraisser-le-mammouth/
)
Aulagnon résume en de termes fort diplomatiques une
réalité, et n’importe quel observateur qui fréquente la haute fonction publique
ne peut qu’être d’accord avec lui. Mais ce qu’il ne dit pas, parce qu’il est
prudent et diplomate, c’est que ces entraves ne sont pas là par hasard.
Elles ont été voulues, et voulues par tous les gouvernements, de « gauche »,
de centre et de droite qui se sont succédés aux commandes depuis 1981. »
VII : Arguments laïcs.
-Le drapeau européen est un symbole chrétien
(apparition de la vierge de l’Apocalypse). Une république laïque comme la
France ne devrait pas l’accepter.
-La construction européenne a été durablement soutenue par l’Église catholique dans une optique de « reformer la
chrétienté ».
VIII : Arguments socialistes-communistes.
La construction européenne est une machine de guerre
de la bourgeoisie (notamment française) pour détruire le « compromis
fordiste » des Trente Glorieuses et les acquis sociaux de l’après-guerre. On
peut le voir dès la mise en concurrence des différents pays par le Traité de
Rome de 1957.
On peut vérifier cette proposition par le fait que ce
sont les partis centristes-bourgeois (plus ou moins « libéraux »)
–celui de Valéry Giscard d’Estaing hier, celui de Macron aujourd’hui- qui sont
aussi les plus passionnément européistes. La plupart des réformes
« pro-marché » passent par l’UE (loi El Khomri de 2015, etc.).
Le maintien dans une UE « ordo-libérale » ou « pro-économie de marché » n’est pas compatible avec une révolution socialiste et communiste. Il n’y a pas de sortie du capitalisme possible dans l’UE, ce qui signifie continuer à subir les dommages sociaux et environnementaux du capitalisme. Les ambiguïtés ou l’aveuglement volontaire d’une partie de la gauche anticapitaliste au sujet de l’UE sont mortifères et doivent être combattues.
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