Comme tout ce qu’on peut relier aux pauvres, le squat
et les squatteurs n’ont pas bonne réputation.
Mais il faut distinguer.
Le squat est l’occupation
sans droit ni titre d’un lieu à des fins d’habitation. Un locataire dont le
contrat a expiré n’est pas un squatteur selon cette définition.
De cette définition s’ensuit premièrement qu’il
n’entre pas dans l’essence de la
pratique du squat que d’être faite contre
la volonté du propriétaire légal d’un lieu. Celui-ci peut simplement ne peut
être au courant. Il n’entre pas non plus dans l’essence du squat d’impliquer de
la violence, s’il l’on entend par violence le fait de nuire à l’intégrité
physique ou morale d’une personne.
On imagine volontiers le squatteur comme un voyou, un
bandit, un voleur, un paresseux, un parasite, ennemi de la société et du bien
public ! On imagine aussi qu’il menacerait notre vie privée en risquant de
s’accaparer notre domicile suite à une intrusion brusque. On voudrait donc
conclure tout de suite que la légitimation du squat mènerait la société au
chaos et au désordre.
Mais il y a loin du squat tel qu’on l’imagine à la réalité effective de la chose.
D’abord, le squat sous forme d’occupation du domicile d’autrui est presque inexistant.
L’écrasante majorité des squats sont en fait des bâtiments laissés vides depuis des mois ou des années. Leur fonction d’origine n’était souvent pas de servir de logement.
Enfin, que l’on entende bien que nous ne faisons pas
ici un éloge du squat en général,
mais du squat en tant qu’il relève d’une logique communiste.
Le communisme est une idée très mal comprise et qui
réclamerait sans doute un éloge à lui tout seul.
Par communisme on doit entendre, premièrement, une forme d’organisation sociale fondée sur
l’abolition de la propriété privée (et de ses potentialités lucrative) au
profit de la propriété d’usage (ou possession). En un sens second, on
entendra par communisme une idéologie
politique qui prône de conformer la législation publique d’un Etat au mode
d’organisation susmentionné.
Un bien est une propriété
privée lorsqu’une personne physique ou morale possède un droit exclusif et absolu sur celui-ci. Il peut
aussi bien en jouir (usus), qu’en
tirer un profit par sa location (fructus),
ou encore le détruire à sa guise (abusus).
Un bien est réglé selon la propriété d’usage lorsqu’il
n’est possédé que parce qu’il est effectivement
utilisé par son propriétaire. La propriété d’usage (ou possession) abolit la
dimension lucrative de la propriété telle que nous la connaissons dans la
société capitaliste. C’est une institution communautaire et fraternelle. Elle
subordonne le droit qu’à l’individu de s’approprier des choses aux besoins
sociaux de la communauté politique. La propriété capitaliste tolère que l’on
détruise de la nourriture pour en priver les sans-abris. La propriété d’usage
ne le souffre pas.
Le passage à la propriété d’usage, c’est-à-dire au
communisme, est pleinement compatible avec la majorité des formes de squats,
qui n’occupent pas des lieux effectivement
utilisés (comme les domiciles, qui de toute façon ne sont d’ores et déjà
pratiquement jamais squattés).
Le squat d’espaces réellement abandonnés à des fins d’usage
non-lucratif est une pratique communiste.
Et il est digne d’éloges.
Le squat-qui-serait-communiste (SSC) est utile au bien
commun de la société. Il répond à des besoin sociaux non-pourvus. Il donne des
toits et des foyers à ceux qui n’en ont pas. Il donne à des personnes qui en étaient privées de
l’intimité, de la chaleur, un territoire, de la prévisibilité, de la sécurité,
des repères dans le monde. Il participe à la formation de l’identité sociale
des personnes et à leur réhabilitation.
Il fait que des corps déterminés souffrent moins. Il
accroît le bien-être des citoyens.
Accroître le bien-être physique et mental des citoyens
participe du bien commun. Du bonheur de tous.
De plus, le squat est une pratique des marges. Une
marge, c’est ce sur quoi on n’a pas encore écrit. C’est un territoire qui
comporte une charge de devenir. C’est
un lieu créatif. Quand des gens forment un squat, on ne sait pas ce que ça va
devenir. Il y a des squats qui deviennent des lieux de rencontres et de débats,
des ateliers de peinture, des bibliothèques, des lieux de réunions politiques,
des magasins gratuits. Il y a des squats où on crée des potagers.
Plutôt que de rester à moisir dans l’abandon, un SSC
est un lieu qui s’enrichit.
Ces raisons font que les sociétés acceptant
l’existence de squats-qui-seraient-communistes sont meilleures. Des sociétés
plus civilisées. Plus joyeuses.
Le SSC n’améliore pas seulement la société humaine. Il
améliore d’abord ce bâtiment-là. Il
fait quelque chose de ce dont le propriétaire ne faisait rien. Il répare,
restaure, retape. Il consolide. Il repense le coin. Il chasse l’humidité qui
s’infiltre. Il fait quelque chose de l’humidité qui reste.
Plutôt que de rester à moisir dans l’abandon, un SSC
est un lieu qui s’embellit. Dont on prend soin.
C’est un lieu dont
l’être s’intensifie. Entre en résonance
avec d’autres. Le SSC participe à l’intensification du devenir de l’univers. Il
participe de l’aventure et du mouvement de l’Etre.
Le squat c’est ce qui résiste à la mort, à la honte, à
l’oubli. C’est un lieu de vie.
Il faudrait avoir le cœur bien froid pour ne pas se
réjouir qu’existent des squats.
Si cet éloge vous a choqué, demandez-vous à quoi ressemble l’époque et la société qui l’ont rendu nécessaire.
Certes ! Des arguments bien recevables. Malgré tout, la perspective me paraît un peu étroite, il s’agit somme toute d’un problème très ponctuel, et vous pointez bien cela dans votre dernière phrase : les véritables enjeux, les véritables problèmes sont bien plus vastes.
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