"Alors que les contradictions internes du capitalisme se font de plus en plus croissantes et visibles, le prolétariat européen, devant théoriquement détruire le capitalisme, s'intègre dans le système (sociale démocratie) ou défend des causes jugées, par les marxistes, purement réactionnaires (fascisme et nazisme en tête). La révolution bolchevik déçoit et la crise de 1929 ne sonne pas le glas du capitalisme.
C'est de ces échecs que naîtra l'idée de penser Marx
avec Freud, et Freud avec Marx: de l'adjonction de la psychologie freudienne au
matérialisme historique marxien naîtra le freudo-marxisme, qui tentera de
proposer une théorie complète de l'aliénation, à la fois économique et
psychologique." (p.217)
"Pour Freud, la libre réalisation des pulsions,
qu'il nomme principe de plaisir, n'est pas compatible avec la vie humaine et, plus
particulièrement, avec la vie en société." (p.219)
"L'homme est donc plongé dans cette civilisation,
hostile à la réalisation de ses pulsions (l'Éros), mais qui lui permet
paradoxalement de les assouvir. Puisque la jouissance absolue est impossible,
il faut à l'homme trouver un équilibre acceptable d'un point de vue de son
économie psychique." (p.222)
"Wilhelm Reich naît dans une famille paysanne
désargentée le 24 mars 1897 en Galicie, à la périphérie orientale de l'Empire
austro-hongrois. Il débute ses études médicales en 1918 à la Faculté de
Médecine de Vienne et se révèle être un esprit brillant et précoce: il termine
ses études en quatre ans, au lieu des six réglementaires. Reich se passionne
très vite pour l'étude de la sexologie. [...]
C'est en 1919 qu'il noue ses premiers contacts avec la psychanalyse, intéressé
par les travaux pionniers de C. G. Jung et, surtout, de S. Freud sur la
question sexuelle ; Reich s'enthousiasme, fasciné par la rupture radicale
introduite par Freud dans les études sexologiques: le sexuel n'est pas
seulement génital affirme le Viennois. Dirigeant désormais le séminaire de
sexologie à l'Université de Vienne en compagnie d'Otto Fenichel et de Grete
Bigring, Reich décide de s'engager plus avant dans l'étude de la psychanalyse."
(pp.235-236)
"Otto Fenichel (1897-1948) est une autre
figure de la "gauche freudienne" ; se faisant le critique d'une
dérive bureaucratique du freudisme, de sa dérive droitière, de la mise à
l'écart de la gauche freudienne, de son mépris des classes populaires, il fonde
l'Institut de Berlin, puis le séminaire des enfants (1924), lieux de réunion
pour les freudiens de gauche. Émigrant aux Etats-Unis lors de sa période nazie,
Fenichel poursuit la rédaction de ses travaux. Comme Reich, Fenichel défendra l'importance
de la transformation du milieu pour une lutte efficace contre les névroses,
mais restera fidèle au marxisme orthodoxe." (note 49 p.236)
"Rencontrant Sigmund Freud, il intègre la Société
psychanalytique de Vienne en 1920 et, passionnée par le sujet, propose la
création d'un séminaire de technique psychanalytique approuvé par le maître,
qui sera dirigé par Hitschmann et Nunberg, puis secondairement, de 1924 à 1930,
par Reich lui-même. Il devient également premier assistant de Freud à la
clinique psychanalytique de Vienne, avant d'en devenir médecin-chef ; il y
travaillera huit années durant.
Rapidement, malgré son admiration pour Freud, Reich
défend une vision originale de la psychanalyse : il défend des positions
personnelles sur la question de la génitalité qu'il considère comme centrale
dans la question de la névrose. Pour Reich, la névrose est l'expression d'un
trouble de la génitalité et non de la sexualité en général ; il affirme que la
rechute névrotique peut être évitée dans la mesure où la satisfaction
orgastique sexuelle est assurée, affirmant l'importance de cette dernière.
[...] Reich défend ses travaux en publiant La fonction de l'orgasme (1927),
ouvrage qui place Reich à la marge du courant psychanalytique, sans que la
rupture soit alors effective. [...]
L'activité de Reich à la clinique psychanalytique de
Vienne, l'Ambulatorium, qui se propose d'offrir des soins gratuits aux plus
démunis, le place au contact de la misère sociale et des pathologies
névrotiques qui lui sont reliées ; Reich se questionne dès lors sur les liens
existant entre conditions matérielles et troubles psychiques.
"Mes huit années de travail comme premier
assassinat, puis comme médecin-chef de la clinique psychanalytique,
m'apportèrent une multitude d'aperçus et d'observations sur les névroses des
économiquement faibles. Il y avait une affluence continuelle à la clinique. Les
patients se recrutaient parmi les ouvriers d'usine, les employés, les gens de
maison, les étudiants et les travailleurs agricoles. Chaque psychanalyste avait
accepté de donner une heure par jour sans rémunération. Ce fut insuffisant.
[...] Il devient immédiatement évident que la psychanalyste n'est pas une
thérapeutique destinée à une application large échelle. Le problème de la
prévention des névroses n'existait pas encore. Eut-il été soulevé, nous
n'avions rien à offrir à cette époque.
Ni en psychiatrie ni en psychanalyse, on
n'avait coutume de questionner les patients sur les conditions sociales qui
leur étaient faites. On savait qu'il y avait de la pauvreté et de misère dans
leurs cas. Mais cela paraissait hors de propos. Dans la clinique, cependant, on
se trouvait constamment mis en présence de ces facteurs. Souvent, l'aide
sociale était la première intervention qui s'imposait. La différence fondamentale
entre la clientèle privée et la clientèle d'hôpital parut soudain évidente."
[Reich, La fonction de l'orgasme, édition de 1978]
Bien souvent, la psychanalyse n'est pas à même d'aider
ces malades, qui, plongés dans une misère noire, ne peuvent que développer de
graves troubles névrotiques ; Reich établit donc une hiérarchie, l'urgence dans
ces cas est d'abord l'amélioration de la situation matérielle, amélioration qui
permettra dans un second temps une thérapeutique efficace: ce n'est pas
seulement les troubles du patient qui sont à l'origine de la névrose, mais la
société qui crée à la chaîne des conditions favorables à l'expression de
pathologies névrotiques:
"Après deux ans de travail à la clinique,
j'acquis la conviction que la psychothérapie individuelle a un rayon d'action
très limité. Seule une petite fraction de ceux qui sont psychiquement malades
pouvait recevoir un traitement. [...] Restait un faible groupe qui nous
récompensait des efforts accomplis. [...]
Là j'eus à me poser non pas les nobles
problèmes de l'étiologie des névroses, mais la question de savoir comment il
était possible à un organisme humain de tolérer si longtemps une vie semblable.
Il n'y avait rien, absolument rien pour l'éclairer, rien que la misère, la
solitude, les commérages des voisins, le souci du pain quotidien et, par
surcroît, les tracasseries criminelles du propriétaire et de l'employeur.
Lorsque plus tard les marxistes
objectèrent que l'étiologie sexuelle des névroses n'était qu'une fantaisie
bourgeoise, que seul "le besoin matériel" causait les névroses, je me
rappelai les cas de ce genre. Comme si le besoin "sexuel" n'était pas
aussi un besoin matériel !
Les névroses de la classe laborieuse ne se
différencient des autres que par une absence de raffinement culturel. Elles
sont le sens d'une révolte plus crue et moins déguisée contre le massacre
psychique auquel chacun est soumis. Le citoyen riche porte sa névrose d'une
façon ou d'une autre. Chez les individus des classes laborieuses, elle prend
l'aspect de la tragédie grotesque qu'elle est réellement."
Comme l'écrit [René F.] Marineau, "Reich fait
le pont entre le travail analytique et le travail social, reconnaissant que le
premier ne devrait que refléter un malaise plus profond de la société qui
encadre et réprime la sexualité. C'est alors qu'il se met à rêver et à croire à
une véritable révolution, la révolution sexuelle. Le rêve de Reich est à la
mesure de ses convictions profondes, soit une révolution sociale calquée sur la
révolution individuelle. Il entend réconcilier politique et psychanalyse, et
ce, dans l'action. Freud et la psychanalyse lui fournissent le cadre conceptuel
pour comprendre et guérir la personne dont la fonction orgasmique a été brimée."
Révolté, assistant à de violentes répressions
policières sur la population ouvrière, Wilhelm Reich s'engage dans le parti
communiste autrichien en 1927.
Cette même année, il fait part à Freud de son envie de
fonder, dans les quartiers pauvres de Vienne, des dispensaires psychanalytiques
gratuits afin de s'attaquer à certaines causes de la misère (avortements,
contraception, éducation, délinquance). En 1928, encouragé par Freud, il fonde,
avec l'aide de plusieurs médecins socialistes, des centres d'hygiène sexuelle
qui connaissent une grande affluence [...] Reich débute une série de
conférences parmi les ouvriers viennois sur la question de la politique
sexuelle dans lesquelles il met en cause les hypocrites institutions et valeurs
bourgeoises. Comme le souligne Jean-Michel Palmier, "chaque cas qu'il
rencontre, chaque personne qui s'adresse à lui, adolescent ou adulte, pose un
problème plus vaste que son malheur individuel. C'est au niveau de la société,
de l'éducation de la famille, qu'il faut combattre les interdits et les
préjugés. C'est tout un système politique, économique qu'il faut remettre en
question". Ses positions commencent à effrayer ses confrères de la
Société psychanalytique ; de son côté, Reich leur renvoie leur inanité
théorique sur la question de la misère: est-il nécessaire de rechercher dans le
complexe d'Œdipe l'apparition de troubles névrotiques chez une famille
miséreuse, vivant entassé dans des taudis, écrasés par l'exploitation ?
Reich est déçu par le propos développé par Freud
dans Malaise dans la civilisation (1930) ; il lui semble que
Freud recule devant les implications les plus révolutionnaires de sa théorie,
défendant le rapport classique entre sexualité et culture. Reich s'oppose à
l'hypothèse d'instinct de mort proposée par Freud, cette dernière conduisant la
psychanalyse dans une impasse: "au lieu de devenir la critique radicale
et révolutionnaire qu'impliquent les découvertes freudiennes, elle se réduit à
la constatation que le malheur est inhérent à la vie et que la praxis humaine
n'y peut rien changer". Reich trouve largement insuffisant de fonder
une critique sociale à partir de mythes (Œdipe, Thanatos, Éros), mettant bien
facilement de côté les considérations des faits, ayant abandonné le travail
scientifique. Reich souhaite historiciser la psychanalyse, la replacer dans le
cours d'une histoire matérielle au dépens d'une mythologie fantasmée. Décréter
l'impossibilité de changer la nature répressive de la société au nom de
Thanatos, l'instinct de mort, c'est se résigner à ne pas changer réellement les
conditions sur lesquelles se base cette nature répressive, et donc trahir
l'éthique de la psychanalyse. [...]
Reich va largement axer sa réflexion théorique sur le
champ politique, aux côtés des communistes de Vienne, établissant une critique
radicale de la société, au nom, à la fois, du marxisme et de la psychanalyse:
"au cours de ces travaux précédent, il avait mis l'accent sur
l'importance des facteurs sociaux dans l'étiologie des troubles névrotiques ;
il entreprend à présent de démonter les mécanicismes de l'idéologie et du
système qui les suscite."
En 1933, il publie un court texte, véritable manifeste
freudo-marxiste, Matérialisme dialectique et psychanalyse [...]
Il souligne toutefois que la psychanalyse n'a pas vocation à empiéter sur le
propos sociologique ; elle n'est qu'une auxiliaire [sous forme de psychologie
sociale]. [...]
La conception bourgeoise de la sexualité, qui affirme
que son but naturel est la procréation, est à l'origine des différentes
habitudes sociales répressives et origines de névroses : la sanctification de la
famille et du mariage, le refus de reconnaître l'importance de la sexualité
prépubère et adolescente, l'interdiction des relations avant le mariage ou
extra-conjugales et l'interdiction de l'avortement. [...]
Reich se rend à Berlin en 1930 afin de poursuivre son
engagement révolutionnaire, essayant de fonder, sous la tutelle du parti
communiste allemand, un mouvement de masse qui soulignera la nécessité de
"politiser la question sexuelle en tant que revendication au bonheur".
En 1931 il fonde l'Association pour une Politique sexuelle prolétarienne
(SEXPOL), organisation pensée pour combattre l'influence de l'Eglise et de la
famille bourgeoise dans la jeunesse, compléments indispensables de l'idéologie
dominante.
"La psychanalyse d'individus de tous les âges,
de toutes les couches sociales montre que la conjonction des structures
socio-économiques et sexuelles de la société ainsi que sa reproduction
structurelle s'opèrent au cours des quatre ou cinq premières années de la vie
par les soins de la famille autoritaire. L'Eglise ne fait ensuite que perpétuer
cette fonction. Ainsi, l'Etat autoritaire trouve un intérêt majeur dans la
famille autoritaire : elle est la fabrique où s'élaborent sa structure et son
idéologie. [...] La structuration autoritaire de l'homme se produit -ce qu'il
s'agit de ne jamais perdre de vue- en premier lieu par l'ancrage d'inhibitions
et d'angoisses sexuelles dans la matière vivante des pulsions sexuelles."
[Reich, La psychologie de masse du fascisme]
Très rapidement, 20 000 membres rejoignent le
mouvement, majoritairement en provenance des Jeunesses communistes. SEXPOL
s'attire les foudres des moralistes de tout bord, mais inquiète également les
autorités communistes allemandes qui craignent l'influence grandissante de
Reich au sein de la jeunesse communiste.
En 1933 Reich sort son grand livre, La
psychologie de masse du fascisme dans lequel il s'attaque à ce qu'il
appelle le "marxisme vulgaire", qui se refuse à saisir la
problématique sociale dans son ensemble. L'évolution économique donne raison à
la pensée marxiste, pourtant, souligne Reich, le fascisme, irrationnel et
réactionnaire, ne cesse de croître ; croissance que le marxisme ne peut
expliquer rationnellement. Cet angle mort de la pensée marxiste se trouve être
dans son refus de penser la psychologie des masses, seule manière de saisir les
raisons de la poussée nazie en Allemagne. [...]
"Nous avons l'intention de mettre en évidence
[...] l'erreur de calcul commise jusqu'ici par tous les combattants de la
liberté: l'absence de liberté sociale est caractérisée par son ancrage sexuel
et physiologique dans l'organisme humain. Il s'ensuit que la dominance de
l'inaptitude physiologique à la liberté est un des préalables fondamentaux de
tout vrai combat pour la liberté."
"La soif d'argent et la soif de puissance sont
des produits de remplacement, maintenus par l'engourdissement biologique des
masses, "ersatz" du bonheur d'aimer irréalisé.
La répression de la vie sexuelle naturelle
des enfants et des adolescents vise à structurer des défenses consentantes et
reproductrices de la civilisation mécaniste et autoritaire."[Reich, La
psychologie de masse du fascisme]
En 1934, La psychologie de masse du fascisme
de Reich est condamné par le Parti communiste allemand, livre suspect
de "trotskisme" [...] Reich est alors expulsé du parti.
Plusieurs raisons expliquent ce rejet ; tout d'abord,
la place de la psychanalyse en U.R.S.S. qui, d'acceptée, va devenir, à partir
de la fin des années 1920, ennemi de la révolution car organe bourgeois. [...]
De plus, la critique que Reich fait de l'Union soviétique ne passe pas ; s'il
avait été enthousiasmé par les premiers temps de la Révolution, et de
l'ambiance favorable à la libération sexuelle, il se fait le dénonciateur de la
répression puritaine et stalinienne autour de la question sexuelle qui se
déroule en U.R.S.S. Enfin, sur le plan tactique, Staline avait demandé au P.C.
allemand de focaliser la critique sur les démocrates [de gauche] -les
"sociaux-fascistes" alors que Reich souhaite priorisé sa critique sur
le nazisme. Reich est en opposition totale avec la ligne stalinienne du P.C.
allemand. [En 1942, il dénoncera la poursuite de l'exploitation des ouvriers en
Union soviétique].
Ses rapports avec la Société psychanalyste de Vienne
se détériorent également ; ses prises de position autour de la primauté qu'il
accorde à la génitalité et ses engagements politiques et sociaux le mettent en
porte à faux avec une organisation relativement "conservatrice".
[...]
En août 1934, l'Association psychanalytique tient son Congrès à Lucerne: se
rendant en Suisse, Reich apprend, la veille de l'ouverture, qu'il n'est pas
autorisé à y participer, ni à lire sa communication. Il est ensuite exclu du
mouvement freudien, sous l'impulsion directe de Sigmund Freud. "Reich, écrit
[Jean-Michel] Palmier, était parvenu à se brouiller avec la presque
totalité des membres de l'association. [...] Violent, enthousiaste, Reich ne
ressemblait guère à ces analystes parfaitement intégrés dans la bourgeoisie
européenne. Ce fut lorsqu'il devint une personnalité importante du Parti
communiste autrichien et du Parti communiste allemand que l'on commença à
s'inquiéter réellement de ses activités. [...] On comprend que les analystes de
l'Association se soient inquiétés des conséquences que pourraient avoir sur le
mouvement et leur réputation les activités politiques de leur surprenant
collègue. [...] Ne risquait-il pas de discréditer une science qui avait eu tant
de difficultés à se faire accepter et reconnaître ?"
Exclu du parti, rejeté du mouvement psychanalytique,
Reich est menacé personnellement par l'arrivée au pouvoir des nazis ; d'origine
juive, communiste et psychanalyste, il est une cible privilégiée [et la Gestapo
fait brûler ses livres]. Il émigre alors à Copenhague, en Suède puis en Norvège
jusqu'en 1939. Reich se désintéresse alors de la politique ; les premiers
signes de paranoïa semblent alors poindre à cette période. [...]
Il abandonne rapidement la théorie freudienne pour la remplacer par une théorie mystico-biologique franchement délirante [et sombre dans la folie jusqu'à sa mort en 1957]."(pp.236-258)
-Léo Imbert, "Le Freudo-marxisme. Ebauche historico-théorique", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages.
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RépondreSupprimerJ. Ellul s'est montré très sévère à l'égard de ces tentatives d'assimiler marxisme et freudisme : « Les œuvres médiocres (pour ne pas dire nulles) de W. Reich et Marcuse... », in Les structures de la liberté. Il y voyait avant tout la marque des limites des prétentions marxistes à donner une explication totalisante de l'existence. Le marxisme n'explique pas tout, d'où l'apparition de ces tentatives pour le pousser dans des sphères plus profondes que la seule réalité économique : « Une fois que la société économique industrielle fut plus avancée, on a été amené à découvrir que ce n'était pas en réalité aussi simple et que la liberté n'était pas une question d'organisation économique et d'organisation du travail. Car au même moment on découvrait la possible aliénation par une possession intérieure de l'homme, par des séductions et un certain type de bonheur. Dès lors la « focalisation » de la liberté changeait. Et l'on peut dire que le débat s'approfondissait encore. C'est au niveau de l'homme intérieur (et, pour le moment, disons « individuel ») que le débat se situe. D'où, sur le plan théorique, l'apparition des efforts pour concilier Freud et Marx. Les œuvres médiocres (pour ne pas dire nulles) de W. Reich et Marcuse doivent être considérées non pas pour leur valeur ni pour leurs analyses (et moins encore pour leurs orientations révolutionnaires) mais en tant que test de la situation. Brusquement les marxistes découvrent la profondeur de l'homme. De l'aliénation économique on passe à l'aliénation technicienne de la totalité de l'individu dans sa profondeur. On appelle alors au secours le Père des Profondeurs. »
RépondreSupprimerVous passez très rapidement sur le fait que la pensée de W. Reich ait abouti à l'irrationalité la plus délirante, à la pure pensée magique, alors que de très augustes et anciennes écoles de pensée sont disqualifiées par vous a priori sous le prétexte de leur prétendu irrationalisme de base (je pense bien sûr à la pensée chrétienne). Il y a un vrai préjugé chez vous en faveur de la position marxiste, préjugé qui vous rend très peu regardant en ce qui concerne la moralité ou simplement la simple santé d'esprit des représentants de cette école (je vous l'avais déjà fait observer jadis). Il semble du reste que vous soyez conscient de cet a priori favorable à l'égard de la gauche, car je me souviens vous l'avoir entendu reconnaître dans une de vos interventions orales.