mercredi 1 septembre 2021

L’humanisme marxiste, par Adam Schaff

 

« On peut dire sans hésiter que notre époque est celle du choc des humanismes. Les tendances qui se réclament de l'humanisme, ne sont pas seulement nombreuses, mais elles sont aussi concurrentes et vont même jusqu'à se combattre. Étant donné l'importance croissante que prend à notre époque le problème de la vie de l'individu, la lutte politique prend volontiers la forme d'une mise en accusation de l'adversaire quand à son manque d'humanisme, voire son antihumanisme. Une telle accusation ne prouve nullement que l'accusateur soit véritablement humaniste et ne le préservera pas de se voir reprocher, à son tour, de manquer d'humanisme. Cette popularité de l'humanisme et la multiplication de ses variétés se combattant mutuellement prouve simplement que l'Homme, dont la vie est aujourd'hui plus menacée que jamais, est avide au minimum de paroles de consolation, de paroles évoquant le bonheur humain. » (p.3)

« Dans la bataille idéologique on se bat donc sur l'humanisme. Rien d'étonnant, dès lors, si les diverses tendances fourbissent leurs armes et en tout cas les brandissent. Ce qui est étonnant par contre, c'est que le marxisme se soit si longtemps tenu à l'écart de cette bataille, d'autant plus qu'il y était particulièrement bien préparé.

Qu'entendons-nous ici par humanisme ? Il faut répondre à cette question, car sinon le débat qui, de toute façon n'est pas des plus précis, risque de sombrer dans une confusion totale.

Les forts en thème auraient beau jeu de démontrer que le terme "humanisme" possède des significations multiples. C'est très vrai, mais je ne me propose pas d'entrer dans les détails d'une analyse sémantique. Par contre j'essaierai de définir avec plus de précision le sens de ce terme lorsqu'il est employé dans des expressions telles que "l'humanisme marxiste", "l'humanisme catholique", etc.

Par humanisme nous entendons notamment un système de réflexion sur l'Homme pour lequel l'Homme est le bien suprême, et qui chercher à lui assurer dans la pratique, les meilleures conditions de bonheur. Dans une acception aussi large de l'humanisme, il y a place, bien entendu, pour diverses tendances. Suivant leur manière de concevoir l'individu, la société et le bonheur de l'Homme, sans parler des voies qui leurs semblent les plus propices pour assurer ce bonheur, ces tendances peuvent être non seulement sensiblement différentes, mais même contradictoires. » (p.4)

« Le marxisme est un humanisme ; c'est un humanisme radical qui tire sa supériorité sur ses concurrents actuels de ses conclusions théoriques ainsi que de ses liens organiques avec la pratique, avec l'action. Ce qui explique la force d'attraction sur tous les opprimés qui ne cherchent pas seulement des paroles consolatrices, mais veulent supprimer dans la pratique les obstacles à leur bonheur.

Etre radical [dit Marx dans sa critique de la philosophie du droit de Hegel], c'est prendre les choses par la racine. Or, pour l'homme, la racine, c'est l'homme lui-même [...] La critique de la religion aboutit à cette doctrine que l'homme est, pour l'homme, l'être suprême. Elle aboutit donc à l'impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l'homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable." (pp.4-5)

« C'est un humanisme réaliste, comme l'a qualifié Marx lui-même, et qu'il faudrait appeler plutôt matérialiste, à la différence des variétés idéalistes ou même spiritualistes. [...]

Pour Marx le caractère de l'humanisme est nettement lié à la conception de l'individu qu'il prend pour point de départ : si le point de départ est l'individu réel, concret (compte tenu aussi de ses implications sociales), l'humanisme est réaliste, mais si le point de départ est la spéculation idéaliste du type "conscience," "esprit", etc., l'humanisme fondé sur cette base est spiritualiste. [...]

La seconde caractéristique de l'humanisme de Marx se rattache strictement à ce réalisme : c'est un humanisme autonome conséquent. [...]

Partant de l'individu réel et de la société réelle, partant du principe que l'homme, en transformant la réalité objective, crée son propre monde, et exerce une influence indirectement sur son propre développement, l'humanisme marxiste est donc autonome en ce sens qu'il explique le monde humain par le jeu de forces terrestres, sans recourir à des puissances surpra-humaines et dans ce sens hétéronomes. [...] L'homme, l'homme réel est non seulement le point de départ, mais il est aussi l'artisan autonome de son destin, le créateur de son propre monde et son propre créateur. Seul un tel humanisme excluant l'ingérence dans les affaires humaines de puissances supra-humaines, peut-être qualifié de pleinement conséquent. [...] C'est précisément à cette caractéristique fondamentale -à cette conception du monde dirais-je- de l'humanisme marxien que se rattache sa caractéristique suivante : c'est un humanisme combattant. [...]

Un humanisme partant d'individus réels et de leurs relations sociales, un humanisme pour qui l'homme est le bien suprême, doit nécessairement se dresser contre tous les rapports abaissant l'homme. Dans ce cas, la combativité de l'humanisme constitue une attitude conséquente [...] Si, par contre, l'humanisme part de "l'esprit", de la "personne", de la "conscience", etc., il peut mais il ne doit pas nécessairement se dresser contre le mal dans les conditions pratiques. Car son domaine, est celui de la spéculation philosophique et non celui de la vie pratique. » (pp.5-6)

« Professant cette conception de la philosophie, Marx ne pouvait évidemment pas se borner à une contemplation humaniste du sort de l'homme. » (p.8)

« Si l'homme lui-même et son monde sont les produits de l'auto-création, il ne peut et ne doit pas attendre d'être libéré du mal qui le tourmente par des puissances supra-humaines, bonnes ou mauvaises. Il doit se libérer lui-même. En d'autres termes : si l'on admet l'auto-création, il faut également admettre l'auto-émancipation. Le socialisme de Marx, est fondé précisément sur l'idée de l'auto-émancipation du prolétariat ; celui-ci, pour se libérer en tant que classe doit libérer l'humanité tout entière. » (p.8)

« Étant donné que le point de départ du socialisme -de tout socialisme- est l'homme et la protestation contre la déshumanisation de la vie, par là même son point de départ est l'amour de l'homme, la douleur de le voir déshumanisé, humilité, malheureux. Le socialisme s'identifie, dans un certain sens, avec l'amour de l'homme, et un socialisme qui haïrait l'homme renfermerait une contradictio in adiecto. » (p.9)

« Le problème du bonheur peut être abordé de deux manières : sous l'angle des traits positifs de ce que nous appelons le bonheur, ou bien sous celui des traits négatifs de ce que nous appelons le malheur. » (p.13)

« S'il est impossible d'élaborer une définition du bonheur humain qui serait obligatoire pour tout le monde, étant donné le caractère individuel des "états de bonheur", il n'y a par contre aucune difficulté à relever les causes du malheur humain de masse : la faim, la mort, les maladies, la privation de liberté, toutes les formes d'exploitation et d'oppression. [...]

Le caractère combattant de l'humanisme marxien se rattache strictement à cette conception du bonheur: il appelle à une lutte sans merci contre les causes du malheur humain en tant que phénomènes de masse, donc contre ses causes sociales. Et c'est là un objectif réel, il s'agit de créer les possibilités d'une vie heureuse. Aucun système ne peut faire davantage, car nul ne peut garantir le bonheur aux hommes. [...]

L'humanisme marxiste ne promet donc pas un paradis utopique et ne donne pas la clé du bonheur personnel. [...] Par contre l'humanisme marxiste appelle à l'abolition des causes sociales du malheur de l'homme. C'est beaucoup et c'est à la base de l'attraction exercée par cet humanisme sur tous ceux qui souffrent des conditions sociales existantes ; c'est ce qui détermine son caractère révolté et combattant. » (pp.17-18)

-Adam Schaff, "L'humanisme marxiste", L'Homme et la société, Année 1968, 7, pp. 3-18.

13 commentaires:

  1. J'avoue que j'ai parfois du mal à saisir la ligne éditoriale de ce site. Vous citez un idéologue stalinien polonais. À la même époque, et au même endroit, vous aviez le pape Jean-Paul II, qui défendait un humanisme autrement plus authentique, dans quatorze encycliques de haute tenue intellectuelle, qui ne seront bien entendu jamais citées ici. Pour l'histoire des idées c'est peut-être intéressant de citer M. Schaff, mais on en revient toujours au même point : les idées ne flottent pas en l'air, elles s'incarnent, et à un moment il faut aussi les juger sur ce critère. Le stalinisme est un anti-humanisme absolu, puisque l'homme est broyé au nom d'un système. J'ai toujours été frappé par l'indulgence des intellectuels français à l'égard du stalinisme. Les Polonais qui l'ont vécu dans leur chair ont une vision un peu plus réaliste des choses.

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    1. Comme d'habitude ai-je envie de dire cher Laconique, comme d'habitude. On part d'une idée vaguement arbitraire, on dit qu'on a de "bonnes intentions", et on suit le chemin de ceux qui pavent l'enfer de bonnes intentions.

      Effectivement, tant que certains ne comprendront pas qu'il faut d'abord connaître la réalité de ce qu'est l'homme (un être politique et un homo oeconomicus, mais aussi un homo sacer et un être sensible à l'esthétique, et un être doté d'une force (de travail ? Pas seulement) mais aussi de sentiments), avant de dire aux hommes ce qu'il faudrait faire, ces "certains" n'engendreront qu'aliénation, en détruisant une des dimensions de l'homme dans leur action. Par exemple, le monde moderne aliène l'homo sacer qui est en nous, et oblige la religiosité à se réfugier dans des formes le plus souvent perverses (scientisme, MARXISME, occultisme, sectes classiques).

      En effet, comment exiger aux hommes quelque chose qui va à l'encontre de ce qu'ils sont ? C'est bien votre problème cher Razorback. Quand je lis "toutes les formes d'exploitation et d'oppression", vous me semblez d'une naïveté enfantine. C'est dans la nature humaine d'être organisé en hiérarchie oppressive.

      Pour finir, peut-être que les problèmes que vous citez sont des by products malheureux mais nécessaires de phénomènes très positifs. Si vous les supprimez, vous supprimerez ces processus positifs qui font le sel de la vie humaine. Par exemple, s'il y a liberté, il y aura des abus sous forme d'exploitation, on le sait tous. De même, la virilité peut être du côté des pompiers sauvant les victimes du 11 septembre mais est aussi du côté des terroristes ayant détourné les avions. Supprimez la virilité par modification génétique, vous annulez les terroristes, bien, mais aussi les braves pompiers, et tous les explorateurs, inventeurs, etc qui font progresser le monde !

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    2. "C'est dans la nature humaine d'être organisé en hiérarchie oppressive."

      Hé bien allez-y, cher lecteur anonyme, démontrez-le ! Cela ne doit pas être difficile, puisqu'avoir la croyance contraire relèverait d'une "naïveté enfantine".

      "Peut-être que les problèmes que vous citez sont des by products malheureux mais nécessaires de phénomènes très positifs."

      Peut-être oui. Mais peut-être pas ? ...

      "La virilité peut être du côté des pompiers sauvant les victimes du 11 septembre mais est aussi du côté des terroristes ayant détourné les avions."

      Moi aussi j'ai lu Harvey C. Mansfield. Mais comme je n'ai pas attaqué la virilité, je doute que ce soit une remarque pertinente.

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    3. Et pour répondre à Laconique:

      "Pour l'histoire des idées c'est peut-être intéressant de citer M. Schaff, mais on en revient toujours au même point : les idées ne flottent pas en l'air, elles s'incarnent, et à un moment il faut aussi les juger sur ce critère."

      Je vous invite à éviter le réflexe gauchiste de l'attaque personnelle ("untel est un salaud, donc ce qu'il dit ne peut pas être vrai ou juste").

      Il me semble au contraire qu'on peut justement parfaitement pointer la contradiction entre l'humanisme que revendique Schaff, et la réalité atroce des régimes soviétiques. Mais ce n'est pas un argument contre l'humanisme marxiste ; c'est un argument contre l'inconséquence, l'hypocrisie de tel ou tel de ses promoteurs, la contradiction entre ce qu'on dit et ce qu'on fait.

      Vous avez quand même lu mon Contre Lénine ; je ne crois pas que quiconque pourra m'accuser d'avoir jamais prôné autre chose que de la détestation nette s'agissant du bolchevisme et des régimes autoritaires quels qu'ils soient.

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    4. @Anonyme
      « le monde moderne aliène l'homo sacer qui est en nous, et oblige la religiosité à se réfugier dans des formes le plus souvent perverses »

      Tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Pour le reste, vos propos me semblent parfois un peu confus. Je ne suis pas toujours d'accord avec J. Razorback, mais il faut lui reconnaître une indéniable rigueur et dextérité dans le maniement des concepts. On voit qu'il maîtrise. Je pense que vous n'êtes pas encore au même niveau sur ce plan-là.

      @Johnathan Razorback
      Merci pour votre réponse. Certes.

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    5. grec.

      Je trouve que devoir subir les malheurs locaux des Âges sombres (et plus généralement la mort) est un investissement rentable si cela permet le miracle grec pour mes descendants !

      Réponse à une objection classique : "mais vos descendants, c'est pas vous, occupez vous de vous avant" -> mes descendants portent une partie de moi.
      Preuve : la philosophie grecque en donne l'intuition. Pour eux, le but, c'était de devenir immortel, soit en tant que héros restant dans les mémoires, soit à travers ses descendants pour le péon de base. Mais pour les sceptiques, trouvons une autre preuve. La voici : les femmes ayant eu des enfants dont elles s'occupent vaguement (elle n'a pas accouché sous X par exemple) ont moins peur de la mort que les autres. Et c'est valable dans toutes les cultures étudiées (d'après mes souvenirs, USA, Inde, France, Maroc et d'autres, bref, des cultures très diversifiées). C'est ouf, mais ça confirme ce que disaient les Grecs.

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    6. Désolé pour le message précédent n'ayant que peu de sens, dû à uen mauvaise manipulation.


      Pour répondre à Razorback :

      1) "C'est dans la nature humaine d'être organisé en hiérarchie oppressive." -> Je vais prouver cette affirmation.

      J'observe que toute société humaine que nous connaissons a une hiérarchie plus ou moins marquée.
      J'en déduis par induction mon affirmation.
      Bien entendu, vous pouvez douter de la validité de la démarche inductive, mais c'est la seule qui permette de trouver quels postulats sont raisonnables (cf un mathématicien philosophe dont j'ai oublié le nom mais qui est très connu pour sa philosophie analytique très rigoureuse).

      2) Quant au fameux "peut-être pas", vous n'avez pas compris le sens de ma phrase. Je vous invitais simplement à réfléchir sur l'idée, ce n'était pas une preuve rigoureuse. Mais puisque vous le voulez, examinons le cas de la mort, que vous citez parmi les "sources de malheur". La mort est certes parfois source de malheur, c'est vrai (exemple : ma fille unique meurt à 11 ans).

      Mais le malheur dû à la mort d'un proche s'avère être un by product de quelque chose de bien plus positif, de positif à un niveau plus élevé. Vous allez comprendre en lisant l'exemple ci-dessous.

      Rappelons comment émergèrent les cités grecques (et donc tous les idéaux civiques grecs, qui sont positifs, n'est-il pas ?). Lors de la chute des Palais mycéniens (organisation étatique centralisée de toute l'économie pour simplifier à outrance) et des invasions (révoltes ? C'est disputé) des Héraclides, les hommes vivant sur leurs terres prirent l'habitude de se réunir à l'endroit des anciens palais pour y célébrer des cultes communs, au nom des "héros" qu'étaient les rois de ces palais, puis des dieux. Il est admis que la spécificité grecque, le miracle grec, vient de la formation des cités grâce à ces cultes poliades. Or, ces cultes poliades sont liés à la mort. Ils le sont d'autant plus qu'ils résultent de la mort des ces héros et de ces Palais. Ils le sont encore plus que les gens se réunirent là-bas DU FAIT de la dureté de ces temps.

      Et ce n'est pas qu'une corrélation, c'est un lien causal nécessaire. En effet, on a des exemple où il manquait soit les héros, soit les Âges sombres, et où on n'a pas eu de tel miracle.
      Bref, mort et facteurs de malheur de l'époque impliquent le miracle grec.
      Supprimez-les, et vous n'avez pas de miracle grec.

      Je trouve que devoir subir les malheurs locaux des Âges sombres (et plus généralement la mort) est un investissement rentable si cela permet le miracle grec pour mes descendants !

      Réponse à une objection classique : "mais vos descendants, c'est pas vous, occupez vous de vous avant" -> mes descendants portent une partie de moi.
      Preuve : la philosophie grecque en donne l'intuition. Pour eux, le but, c'était de devenir immortel, soit en tant que héros restant dans les mémoires, soit à travers ses descendants pour le péon de base. Mais pour les sceptiques, trouvons une autre preuve. La voici : les femmes ayant eu des enfants dont elles s'occupent vaguement (elle n'a pas accouché sous X par exemple) ont moins peur de la mort que les autres. Et c'est valable dans toutes les cultures étudiées (d'après mes souvenirs, USA, Inde, France, Maroc et d'autres, bref, des cultures très diversifiées). C'est ouf, mais ça confirme ce que disaient les Grecs.

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    7. 3) Je répondrai pour Laconique à "c'est un argument contre l'inconséquence, l'hypocrisie de tel ou tel de ses promoteurs, la contradiction entre ce qu'on dit et ce qu'on fait." -> Effectivement.
      CEPENDANT, si on observe que tous les promoteurs de l'humanisme marxiste causent des catastrophes, on peut en déduire par induction qu'il y a un problème dans l'humanisme marxiste. Et je vais vous dire pourquoi. Parce que le marxisme est une aliénation de l'homme en le réduisant à sa dimension économique (car c'est bien cela que fait le marxisme, malgré les phrases contradictoires que Marx aligne). De sorte que même avec les meilleure intentions, vous finirez par faire le mal. Bref, cela pour dire que selon moi (il reste à formaliser la démonstration), humanisme marxiste -> un homme Lénine-like.



      -Pour Laconique :

      Effectivement, je reconnais que mes propos sont parfois confus. Si j'étais de mauvaise foi, je dirais qu'ils ont la confusion du réel. Mais je suis de bonne fois et reconnait écrire au fil de la pensée sur ce blog.

      Quant à la maîtrise des concepts par Razor, c'est possible. Je dirais même que c'est probable. Mais il lui manque le contact avec la réalité pour savoir si ses postulats sont bons ou pas (un peu comme Kant en fait). Je pense aussi qu'on ne parle pas la même langue, d'où des quiproquos sur le sens de certains passages (exemple : le passage sur la virilité n'était qu'un exemple pour l'aider à capter l'idée illustrée, pas une remarque sur son texte comme il le pense).

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    8. "Toute société humaine que nous connaissons a une hiérarchie plus ou moins marquée.
      J'en déduis par induction mon affirmation.
      Bien entendu, vous pouvez douter de la validité de la démarche inductive, mais c'est la seule qui permette de trouver quels postulats sont raisonnables."

      Toute société humaine est-elle hiérarchique ? Qu'entendre, pour commencer par hiérarchie ?

      Admettons que entende par là une "organisation sociale établissant des rapports de subordination et des degrés gradués de pouvoirs, de situation et de responsabilités" (CNRTL, sens A, 2). Dans ce cas je pourrais être d'accord, si ce n'est que ce n'est pas une observation comme vous le dites, mais une reconstruction conceptuelle des rapports sociaux directement observables. Parce que ce qui s'observe directement dans une société, c'est toujours un entrecroisement de hiérarchies complexes entre différents groupes (celle de la famille n'est pas celle du parti politique ou de l'usine) et selon une grande variété de critères qui confèrent du pouvoir (militaire, économique, politique, religieux, symbolique, sexuel, etc.). Mais admettons pour simplifier qu'on puisse abstraire de cet enchevêtrement une hiérarchie sociale intégrale à un instant donné.

      Il ne s'ensuit pas que des rapports sociaux hiérarchiques soient nécessairement synonymes d'oppression ou de domination. La domination n'est pas juste un différentiel de pouvoir, comme l'a montré Frank Lovett.

      Ensuite, ce n'est pas parce que vous observez continuellement une similitude dans les rapports sociaux que cette observation est suffisante pour en induire qu'il s'agit d'une fatalité découlant de la nature humaine elle-même. Tant que vous n'avez pas dégagé un principe expliquant pourquoi cette régularité est nécessaire, vous n'avez qu'une suite d'observations répétées, pas une loi.

      Il faut faire attention avant de déclarer qu'une réalité sociale est naturelle et inéluctable. Par exemple, un argument pro-esclavagiste a été de soutenir que l'esclavage découle de la nature humaine (et Nietzsche dit quelque chose d'approchant s'agissant de la domination). Or il existe des sociétés non-esclavagistes. Donc l'esclavage n'est pas une fatalité. De même, vous n'avez nullement expliqué pourquoi il serait vain de lutter contre les hiérarchies sociales oppressives.

      Enfin, même si elles étaient éliminables, vous n'avez pas non plus prouvé que le degré d'intensité de l'oppression exercée ne puisse pas être modifié, ni pourquoi il ne serait pas hautement moral de le réduire.

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    9. "Tous les promoteurs de l'humanisme marxiste causent des catastrophes."

      Moi, je ne suis plus marxiste depuis 2014. Mais ça n'autorise pas à raconter n'importe quoi sur le marxisme.

      Quels sont les catastrophes qu'ont causé des militants marxistes tels que, disons, Rosa Luxembourg, Wilhelm Reich, les surréalistes français comme Pierre Naville, ou encore les situationnistes comme Guy Debord ?

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  2. 1) "Tant que vous n'avez pas dégagé un principe expliquant pourquoi cette régularité est nécessaire, vous n'avez qu'une suite d'observations répétées, pas une loi. " -> c'est précisément le principe d'induction que de déduire d'une suite d'observation répétée quelque chose. C'est une partie importante de la méthode scientifique. A moins que les sciences sociales ne soient des science que de nom, ce que je refuse de croire.

    Si vous cherchez le "pourquoi", il suffit de lire de l'évopsy. On y explique comment la psyché humaine a évolué vers ce qu'elle est.

    Quant à l'eclavage, pour continuer sur cet exemple, il a existé depuis très longtemps des sociétés non esclavagistes, c'est historiquement prouvé, cf l'esclavage interdit sur le sol européen pour un exemple très récent, et on le sait depuis plus longtemps qu'on ne le croit (bref, Nietzche était mal renseigné). Bref, j'ai compris ce que vous vouliez dire par votre exemple, mais je vous conseille d'en changer à l'avenir.

    2) J'ai lu vos extraits de Lovett. Il a le même défaut que vous. Il s'intéresse à la théorie et non à la réalité, qui est la seule chose comptant. La théorie ne compte que quand elle influence la réalité (cf le prééminence "morale" du roi dans la féodalité, qui servit de base à la centralisation ensuite).
    Voici la phrase qui m'a bien fait rire " La domination réside dans la structure de la relation elle-même, et non dans ses résultats." -> les résultats de la relation sont en fait la relation elle-même. Si un esclave conseiller de Prince finit par avoir un tel ascendant sur le Prince qu'il en vient dans les faits à tout décider en le manipulant ou pas, c'est lui qui domine, pas le Prince (cf Mamelouks, cf Eunuques de Constantinople). On ne peut pas différencier la relation de son résultat concret.

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  3. 3) "Enfin, même si elles étaient éliminables, vous n'avez pas non plus prouvé que le degré d'intensité de l'oppression exercée ne puisse pas être modifié, ni pourquoi il ne serait pas hautement moral de le réduire." -> je reprendrai un raisonnement que j'affectionne. L'Homme recherche le bonheur par nature, il est donc bon qu'il cherche à suivre sa nature (en abrégé, recherche du bonheur = nature humaine. Or, bon = ce qui rapproche du bonheur, donc, bon = suivre sa nature). Je clarifie un point avant de continuer. Je suis d'accord qu'on ne peut pas ne pas suivre sa nature, mais pour "suivre sa nature efficacement", il doit le vouloir (exemple : l'homme est par nature doué de raison. Je peux penser "Non, je refuse d'utiliser ma raison", mais je finirai par retomber dessus car je chercherai rationnellement les meilleurs moyens de ne pas l'utiliser, et donc je serai en échec, donc malheureux).

    4) -Rosa Luxembourg excita des émeutes en Allemagne, ce qui poussa le gouvernement de l'époque à la panique. Il utilisa donc les Corps Francs pour réprimer l'émeute, Corps Francs qui formèrent ensuite un élément important de la prise de pouvoir nazie. DONC, par son action, les agissements de Rosa Luxembourg furent une cause (logique) de la monté du nazisme. Je ne dis pas qu'elle l'a fait volontairement ni qu'elle était responsable de cela, ou méchante, mais seulement que de fait, ses actes provoquèrent la suite.

    -Pour les "artistes communistes", je vais vous dire. Quand un acte mauvais se produit à grande échelle (par exemple un acte terroriste), ce n'est pas UN SEUL gars paumé qui agit, c'est tout un réseau derrière qui l'a excité (donc des intellectuels qui ne seront eux mêmes jamais violents), des gens qui lui ont fourni des armes, etc.
    Ainsi, j'affirme que tous ces artistes-là excitèrent des tas de gens de la même manière qu'un mollah peut exciter un apprenti terroriste, en disant n'importe quoi n'importe comment.
    Un exemple est Louis Aragon. Il a dit n'importe quoi sur El Andalus. Ce fut à la source d'une dévalorisation totale du peuple espagnol par les "héritiers intellectuels" d'Aragon, qui se référèrent à ce qu'il disait (les références étaient exactes et non truquées, pas comme les nazis avec Nietzche). En le suivant, ils dirent que le peuple espagnoln'existait pas, qu'ils devaient tout de bien à l'islam, et étendirent même cela à toute l'Europe, d'où le courant islamophile, plsu développé en Espagne qu'ailleurs, et à l'origine de difficultés en Espagne aujourd'hui, avec des gens qui voient leur véritable héritage renié par des "intellectuels" à la manque.

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  4. Bref, la décadence intellectuelle des élites est leur faute.

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