La couleur des cheveux humains est une caractéristique
généralement régie par de nombreux gènes, mais l'auteur de l'étude, Sean Myles,
généticien au Nova Scotia Agricultural College de Truro, au Canada, a soupçonné
que les choses étaient peut-être plus simples dans les îles Salomon, car il n'a
observé pratiquement aucune variation dans les nuances de blond. « Il m'a semblé évident qu'il s'agissait d'un
trait binaire. Soit on est blond, soit on ne l'est pas », explique M.
Myles.
Pour rechercher un schéma génétique sous-jacent, Myles
et ses collègues ont prélevé des échantillons de salive et de cheveux sur 1209
habitants des îles Salomon. Les études de génétique des populations comparent
généralement des milliers d'individus, mais les chercheurs pensaient pouvoir
détecter des différences dans un échantillon beaucoup plus petit en raison du
contraste frappant entre les cheveux blonds et les cheveux foncés des habitants
de l'île. Ils ont comparé l'ensemble du patrimoine génétique de 43 insulaires
aux cheveux blonds et de 42 insulaires aux cheveux foncés. Ils ont constaté que
les deux groupes possédaient des versions différentes d'un gène crucial, codant
pour une protéine impliquée dans la pigmentation. La permutation d'une « lettre
» du code génétique - le remplacement d'un « C » par un « T » - a fait la
différence entre les cheveux foncés et les cheveux blonds. Une mutation
similaire permet de créer des souris blondes en réduisant la teneur en mélanine
de leur pelage.
Les habitants blonds des îles Salomon sont porteurs de
deux copies de ce gène mutant, qui est présent chez 26 % de la population des
îles, comme l'indique l'équipe dans le numéro de demain de la revue Science. Le gène est récessif, ce qui
signifie que les blonds l'héritent de leurs deux parents. Les chercheurs n'ont
pas trouvé la mutation dans les échantillons d'ADN de 941 personnes provenant
de 52 autres populations du monde entier, y compris des pays européens. « Il s'agit d'un excellent exemple d'évolution convergente, où le
même résultat est obtenu par des moyens complètement différents »,
explique M. Myles.
Selon Jonathan Friedlaender, anthropologue émérite à
l'université Temple de Philadelphie (Pennsylvanie), qui n'a pas participé à
l'étude, la mutation, qui ne présente pas d'avantages évidents, est
probablement apparue par hasard chez un individu et a dérivé vers une fréquence
élevée dans les îles Salomon parce que la population d'origine était peu
nombreuse. « Toute cette région semble
avoir été peuplée par de très petits groupes de personnes qui ont traversé ces
îles tremplins, de sorte que les fluctuations de la fréquence des gènes ont des
effets très spectaculaires. »
Selon M. Myles, ces résultats contribuent à
déconstruire une vision eurocentrique du monde en ce qui concerne l'origine des
cheveux blonds. Il espère que l'article attirera l'attention sur la question
plus vaste des autres gènes nouveaux que les scientifiques pourraient manquer
en se concentrant sur les génomes des Européens. « Si l'on peut trouver un gène de la blondeur qui existe en Mélanésie et
nulle part ailleurs », explique M. Myles, « il n'y a aucune raison pour que ce type de gène n'existe pas partout
dans le monde, dans des populations sous-représentées, et qu'il n'affecte pas
seulement la pigmentation des cheveux, mais aussi des traits liés à des
maladies. »
« Je pense qu'il
s'agit d'une étude très solide », déclare Rasmus Nielsen, généticien des
populations à l'université de Californie à Berkeley. Selon lui, l'article
constitue un argument de poids en faveur de l'étude de populations
diversifiées. « Nous dépensons des
millions et des millions de dollars pour en savoir un peu plus sur les bases
génétiques de certains traits qui ont déjà été étudiés chez les Européens
», explique-t-il. « Cette étude montre
qu'il y a beaucoup à gagner en génétique humaine en étudiant de petites
populations isolées ». »
-Erin Loury, "The Origin of Blond Afros in Melanesia. Findings suggest golden locks evolved twice in human history", Science, 3 mai 2012.
Post-scriptum : Le fait que deux individus biologiques se ressemblent physiquement sous un rapport donné (ex : avoir les cheveux blonds) n’implique pas nécessairement qu’ils possèdent un trait génétique commun. La plupart des caractéristiques phénotypiques dépendent de plusieurs gênes, et certains ne sont actifs qu’en fonction d’influences environnementales, si bien que la connaissance du génotype de l’individu ne permet pas de prédire son phénotype.
On peut dès lors présumer que d’autres traits
phénoménaux (comme avoir la peau de telle couleur) ne signifient pas
nécessairement une génétique commune chez des populations.
L’invocation par les nationalistes ethniques de « ressemblances profondes » entre populations de même couleur de peau semble dès lors manquer de fondements scientifiques. On peut avoir la même couleur de peau sous l’effet de gênes différents. La similitude de peau n’indique pas une génétique commune par ailleurs. Si ressemblance il y a, elle n’est pas « profonde » mais simplement phénoménale.
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