En 1921 Hermann Heller
fit paraître une « Contribution à l'histoire politique de l'esprit » [...] Pour
Heller la question fondamentale de son époque est celle-ci : y a-t-il un pont
permettant de passer « du peuple des
poètes et penseurs au peuple du "sang et fer" » ? La réponse,
c'est que ce pont a depuis longtemps été lancé par Hegel ; Hegel est le
précurseur de Treitschke et de Bismarck. Alors que les théories du droit
naturel au 18e siècle partaient de l'individu et de ses droits, que les
théories transpersonnelles de la société présentée par Burke et les romantiques
s'alliaient aux conceptions héritées des conservateurs et du christianisme,
Hegel développait une pensée transpersonnelle partant résolument de l'État
comme puissance. Heller écrit : « On ne
risque pas de se tromper sur les opinions politiques d'un peuple si on les
cherche dans les jugements qu'ont portés ses guides spirituels sur un homme
dont l'image spirituelle provoque des discussions aussi vives aujourd'hui qu'il
y a quatre cents ans - personne d'autre que Machiavel n'a été l'inspirateur de
l'œuvre de Hegel et Treitschke disait du Florentin que sa gloire sera toujours
'd'avoir clairement exprimé pour la première fois que l'État est puissance' ».
Heller ne se limite pas à
montrer comment Hegel, dans l'écrit sur la constitution de l'Allemagne, évoque
Machiavel comme modèle ; il cherche bien plutôt à démontrer que Hegel a été par
nature un machiavélien. Déjà l'enfant âgé de quatorze ans composait un dialogue
entre Antoine, Octave et Lepidus, où les triumvirs se comportent « tout à fait à la manière de Machiavel »
et où chacun des trois est décidé à écarter traîtreusement les autres du
pouvoir. « C'est vraiment », dit
Heller, « une caractéristique objective
remarquable des trois réalistes de la politique qui, sans aucune idéologie,
savent apprécier la puissance » ; manifestement la sympathie de Hegel
va à celui qui est le plus libéré de la morale et le plus assoiffé de pouvoir
dans la conscience qu'il a de son but. Assurément on remarque dans l'écrit de
Hegel l'influence de Shakespeare ; dans les drames romains de ce dramaturge
élizabethain, il s'agit de puissance et de domination ; le visage de Rome y
brille comme le modèle à suivre par l'Angleterre en route vers l'Empire. [...]
Heller expose en détail
comment Hegel, dans l'Écrit sur la Constitution de l'Allemagne, reprend le « fanatisme d'État », la « religion d'État » de Machiavel. « De toute façon », écrit-il, « nous pouvons constater le fait intéressant que
la première doctrine moderne de l'État de puissance apparue en Allemagne se
relie à la politique de la Renaissance de Machiavel, laquelle n'a pas été
influencée par le courant du droit naturel de cette époque. Assurément la
"théorie de l'État de puissance" de Spinoza a été importante pour
Hegel." (pp.89-90)
"Shakespeare fait
dire à Richard III qu'il agirait si méchamment que même le criminel Machiavel
pourrait encore venir s'instruire à son école." (p.91)
"Elkan ajoute comme
contrepoids, à la découverte de Machiavel par Fichte, celle par Hegel et Luden
et il renvoie aussi à d'autres déclarations contemporaines sur Machiavel. Il
indique expressément que cette découverte de Machiavel est due à des
circonstances historiques bien déterminées : l'époque de l'effondrement de
l'ancien Empire allemand, l'écrasement de la Prusse, la préparation des guerres
de libération. « Les dates le
démontrent. Les déclarations sur Machiavel se pressent de façon croissante
depuis 1802 jusqu'à 1814. » Lorsque Ranke, en 1824, traitait de
Machiavel dans sa critique des historiens modernes, ce thème était devenu une
affaire purement de science de la littérature." (p.92)
"Hegel a-t-il
précisément, dans ses Écrits de jeunesse comme encore en 1801 dans l'Écrit sur la différence entre le système de Fichte
et celui de Schelling, caractérisé l'État -c'est-à-dire le simple État de
l'entendement propre aux théories du droit naturel- comme quelque chose à
dépasser et comme une simple machine. Finalement Rosenzweig, ainsi que Heller,
ne négligent-ils pas le libéralisme de Hegel qui s'efforce largement de
soustraire à la tutelle politique de l'État la société civile émancipatrice
?" (p.92)
"Un Grec, dit par
exemple Hegel (mesurant tout le reste à l'étalon de l'hellénisme), n'aurait
absolument pas pu comprendre que l'on prenne pour but de la vie quelque chose
d'aussi personnel et privé que l'amour courtois du Moyen Age ; que la
jurisprudence se soit développée à Bologne au Moyen Age, cela s'est produit
parce que les plus nobles du peuple n'étaient encore « serviteurs d'une idée, serviteurs de la loi
qu'en siégeant au tribunal et qu'autrement ils n'étaient que les serviteurs
d'un homme ». Ce que Hegel critique dans l'« histoire médiévale de l'Italie moyenne et supérieure », c'est
qu'aucun État n'ait pu proprement s'y constituer. L'histoire de l'Italie à
cette époque n'a été au vrai que l'histoire d'une multitude d'individus et il
est difficile de trouver, dans les relations éphémères entre les individus des
points de vue universels ayant une valeur historique. « D'autant plus intéressante », écrit Hegel, « est l'histoire d'individus, car leur
individualité ne s'est pas engloutie dans les formes universelles d'État et
de constitution ». Mais précisément Hegel porte un jugement négatif
sur le principe de l'individualité et du conflit interminable où s'opposent des
individus et des familles : « Il n'y
avait absolument pas d'idées dominantes... L'exercice de la justice n'était que
la victoire d'une faction sur une autre. » A l'individualisme aboutit
la formation de la richesse (qui dans les villes italiennes se produisait non
pas comme dans la bourgeoisie de l'Europe du Nord mais grâce à une aristocratie
de l'argent). A côté de Périclès à Athènes et des patriciens dans la Rome des
Gracques, Hegel donne comme exemple les Médicis à Florence pour montrer que la « richesse disproportionnée de quelques
citoyens est dangereuse pour la forme la plus libre de constitution et peut
détruire la liberté elle-même ». Hegel conclut sa réflexion en disant
que « on a peut être été injuste pour le
système du sansculottisme en France lorsqu'on n'a recherché que dans la
voracité la source de l'égalité plus grande qu'il se proposait »."
(p.94)
"Non seulement Hegel
fut témoin des effrayants accès de fureur des troupes françaises en Allemagne
et des contributions extorquées aux pays occupés, mais il eut aussi des
nouvelles directes par ses amis -Sinclair le fonctionnaire de Hombourg et le
négociateur et Hölderlin, l'hôte de Sinclair du Congrès de Rastatt où la France
de la Révolution joua de la pire des façons avec les différents pays comme sur
un échiquier. Bref, la véritable politique de la France se manifesta comme un
machiavélisme mis en pratique." (p.99)
"« L'Allemagne n'est plus un État » - c'est
avec cette plainte que Hegel commence l'Écrit sur la Constitution de
l'Allemagne. Hegel voit-il comment en sortir ? Il place son espoir en
l'Autriche, et cela parce que là-bas -à l'encontre de ce qui se passe en
Prusse- y est encore vivante la représentation de l'individu, sa participation
au pouvoir du tout grâce aux états qui le représentent. Hegel espère une
restauration de l'Empire qui s'écroule. Mais il sait aussi que cette
restauration ne se fera pas avec des réflexions, des paroles et des
négociations. Si l'Allemagne redevient un État -un tout s'affirmant lui-même,
organisé unitairement- « pareil événement
serait le fruit non pas de la réflexion mais de la contrainte, même si c'était
conforme à l'état d'esprit général et qu'on en sentît le besoin profondément et
nettement ». Une conception intelligente « engendre une telle méfiance qu'elle doit être légitimée par la
contrainte [sic] et alors l'homme s'y soumet ». Ainsi Hegel réclame un
Thésée qui, comme le Thésée d'Athènes, rassemble par la force les petits
peuples divisés mais qui a aussi assez de magnanimité pour donner à son peuple
une constitution démocratique, c'est-à-dire dans les grands États modernes : un
système représentatif.
Or c'est précisément un
pareil Thésée que Machiavel, dans les conclusions émouvantes du Principe, auxquelles Herder avait déjà
renvoyé, avait réclamé pour l'Italie, c'est-à-dire pour ce pays qui était tombé
avant l'Allemagne dans l'émiettement et qui ainsi avait été livré aux
déchirements internes et aux puissances étrangères. [...]
Comme Herder, Hegel considère
que le propos du livre est tout à fait lié à une époque historique. Voici ce
qu'il écrit dans son livre sur la Constitution de l'Allemagne : « Immédiatement après avoir lu l'histoire des
siècles antérieurs et de l'Italie contemporaine de Machiavel, et en conservant
l'impression qu'on en a retirée, il faut aborder la lecture du Prince et alors non seulement ce livre paraîtra
justifié mais on y trouvera aussi une conception très élevée et très vraie
sortie d'une tête authentiquement politique et douée d'un sens le plus grand et
le plus noble. »
Machiavel montre qu'il est le patriote qui voulait conduire l'Italie à l'unité
et la libérer des puissances étrangères. [...]
Hegel dit qu'on ne guérit
pas des membres gangrenés avec de l'eau de lavande et qu'une vie proche de la
putréfaction ne peut être réorganisée que par la violence." (pp.97-98)
"Combien les
conceptions politiques de Hegel se modifient dans l'Écrit sur la
Constitution, c'est ce que montre le jugement sur Caton le Jeune (Schriften zur Politik und Rechtsphilosophie).
Il avait le "privilège d'être mené par quiconque avait la liberté à la
bouche ». Au vrai il a été le principal artisan de la domination unique de
Pompée -non par amitié pour Pompée, mais parce que l'anarchie est le plus grand
mal". Il s'est tué non pas parce que l'ancienne liberté était perdue
(cette liberté s'était depuis longtemps transformée en anarchie), mais sa mort
a été bien plutôt une affaire de partis : le partisan de Pompée n'avait pas
voulu se soumettre à César, l'ennemi diffamé et haï. - Mais il est arrivé à
Hegel lui-même d'avoir célébré Caton comme un républicain. Déjà à Tubingue il
disait de lui que la patrie avait rempli toute son âme." (note 11 p.98)
"Quelques années
après ces déclarations, en 1805 / 6, Hegel reprit ce thème dans sa Realphilosophie.
Il parle à nouveau de Machiavel comme du grand patriote ; mais maintenant il
compare le Thésée réclamé par Machiavel avec le Robespierre auquel
s'appliquait autrefois tout le mépris du jeune Hegel et de ses amis. Pour
constituer un État, continue Hegel, il faut que la volonté individuelle
devienne la volonté universelle. Cette constitution ne peut pas être
conçue comme un contrat, même si on insinuait que ceux qui appartiennent à
l'État se sont liés tacitement à quelque chose de déterminé. En réalité, dit
Hegel, les États ont été fondés par la « contrainte
élevée de grands hommes », laquelle n'est assurément pas la force physique.
Bien plutôt, dans la contrainte qu'ils exercent, les grands hommes ont pour eux
la volonté universelle, l'en-soi des volontés individuelles. « Ce qui est préalable dans le grand homme,
c'est qu'il connaît et exprime la volonté absolue. Tous se rassemblent autour
de sa bannière ; il est leur dieu. C'est ainsi que Thésée a fondé l'État
d'Athènes ; c'est ainsi que dans la Révolution française une terrible
contrainte a soutenu l'État, le tout en général. Cette contrainte est non pas
despotisme, mais tyrannie, pure domination effrayante ; mais elle
est nécessaire et juste, dans la mesure où elle constitue et soutient
l'État comme cet individu réel. Cet État est le simple esprit absolu qui est
certain de lui-même et pour qui rien ne vaut comme déterminé que lui-même, nul
concept de bien et de mauvais, de honte et de vil, de perfidie et de tromperie
; il dépasse tout cela car, en lui, le mal est réconcilié avec lui-même. »
Cependant la pure
domination effrayante n'est qu'un moment passager dans la constitution un État
et elle ne doit pas se poser absolument. Il faut que Thésée ne garde pas dans
les mains la domination et, pour son action nécessaire, il ne peut récolter que
l'ingratitude. Le tyran doit ainsi être l'esprit certain de lui-même « qui, comme le dieu, n'agit qu'en en et pour
soi ». S'il n'a pas la sagesse de se démettre au bon moment de la tyrannie,
sa « divinité » n'est que la divinité
de l'animal, c'est-à-dire « la
nécessité aveugle qui mérite précisément d'être détestée comme le mal ».
C'est de cette façon détestable que Robespierre a utilisé la tyrannie. « Sa force l'a abandonné, parce que la nécessité
l'avait abandonné, et ainsi il a été violemment renversé. Ce qui est nécessaire
se produit mais chaque partie de la nécessité n'est habituellement conférée
qu'à des individus. L'un est l'accusateur et l'avocat, l'autre le juge, le
troisième le bourreau ; mais tous sont nécessaires. »."
(pp.99-100)
"Comment Hegel
a-t-il considéré Machiavel et la Renaissance dans ses cours de Berlin, alors
qu'il avait achevé de former son système ?" (p.101)
"Outre le platonisme
et le néoplatonisme, avant tout celui de l'Académie de Florence, Hegel met en
valeur le cicéronianisme qui est redevenu tout à fait présent en Pétrarque.
L'aspect de la Renaissance dont Hegel, dans les Leçons sur l'Histoire de la philosophie, traite le plus en détail
et dans le contexte, c'est la restauration des sciences. Là il parle surtout de
Giordano Bruno. Jacobi, dans son petit livre sur Spinoza, avait bien attiré
l'attention sur Bruno. Cependant, pense Hegel, ce parallélisme « avait valu à
Bruno une renommée dépassant son mérite ». Machiavel est nommé à côté de
Montaigne, comme un de ces hommes dont les écrits appartiennent non pas
proprement à la philosophie, mais à la culture générale. « Leurs écrits appartiennent à la philosophie dans la mesure où de
pareils hommes ont été créateurs à partir d'eux-mêmes, de leur conscience, de
leur expérience, de leur observation, de leur vie. Pareil raisonnement et
pareille connaissance sont diamétralement opposés à la connaissance scolastique
antérieure. » [...]
Hegel approuve ainsi la
Renaissance avec l'éclat de son art, le renouvellement de la science et le
regard réaliste porté sur ce qui est, en se tournant vers le monde. La
Renaissance demeure cependant pour Hegel une simple époque de transition -le
Moyen Age se dissout et on va vers les temps modernes- car il l'aperçoit marqué
par une scission. Seule la Réforme, en renouvelant la conscience morale et sa
liberté, présente pour Hegel le principe des temps modernes ; à l'opposé, ce
qui marque encore la Renaissance, c'est qu'elle extorque, grâce au commerce des
indulgences, de l'argent pour les débauches romaines. "Certes tout cet
argent n'est pas employé pour les débauches et il sert bien aussi à construire
Saint-Pierre, le monument magnifique de la chrétienté là où se trouve le centre
de la religion. Mais de même que le chef d'œuvre de tous les chefs d'œuvre,
Athènes et son Acropole, édifiés grâce à l'argent des alliés d'Athènes, firent
le malheur d'Athènes et lui firent perdre ses alliés et sa puissance, ainsi
l'achèvement de Saint-Pierre avec sa coupole dressée par Michel-Ange, le
peintre du Jugement dernier dans la Chapelle Sixtine, devient le jugement
dernier pour l'édifice fier et altier de la hiérarchie ». Ce qui,
d'après l'interprétation idéaliste, est entré dans le monde avec la Réforme
-la liberté que l'homme trouve comme sa propriété-, ce qui, grâce aux Lumières
et à la Révolution française a été pris comme principe pour modeler le
monde, cela, pense Hegel, ne pouvait pas être suffisamment compris par la
Renaissance parce que l'art n'exprime pas en général de façon tout à fait
adéquate ce principe de l'histoire universelle." (pp.103-104)
"Machiavel apparaît
alors comme l'écrivain politique qui a consciemment laissé de côté les
positions et les présuppositions transcendantes et qui dans le domaine politique
met en valeur l'expérience. Il est toujours considéré avant tout, à partir du
livre sur le Prince, comme le patriote qui s'efforce d'unifier un
pays divisé. « Souvent on a rejeté ce
livre avec dégoût comme contenant les maximes de la tyrannie la plus cruelle ;
mais Machiavel, doué d'un sens élevé de la nécessité de constituer un État, a
posé les principes suivant lesquels il faut former les États dans ces
conditions-là. Il fallait absolument soumettre les seigneurs et les
dominations particulières ... » Les potentats qui « avaient en propre un manque absolu de
conscience » et une « totale
dépravation » ne pouvaient être soumis que par une « violence brutale » pour que « peu à peu se constituât un état meilleur
».
Lorsque Hegel -encore
dans les traits fondamentaux qu'il avait présentés dans l'Écrit sur la
Constitution- montre comment s'est développé l'État dans l'Europe du Moyen Age
et des temps modernes, il peut faire bien comprendre quel a été le destin de
l'Italie et combien avait raison le patriote Machiavel. Hegel présente une
justification historique de Machiavel, mais il n'a plus recours à Machiavel
pour venir au secours de sa propre époque. Il n'y a plus pour Hegel à jouer le
rôle d'un « Machiavel de l'Allemagne », d'être celui qui rappelle qu'il faut
unifier et restaurer l'État. Entretemps il avait été rempli d'admiration pour
Napoléon ; mais il l'admirait comme le Thésée assez magnanime pour donner aux
petits peuples rassemblés une constitution démocratique, ce qui s'appelle, dans
les grands États modernes différenciés : un système représentatif. (Cette
manière -qui était peut-être une illusion- de considérer Napoléon apparaît très
clairement dans la lettre de Hegel à Niethammer du 29.8.1807.) Après la chute
de Napoléon, Hegel avait accepté en Allemagne les nouveaux États particuliers
réformés et il s'était tourné vers le pays dont, dans l'Écrit sur la
Constitution, il n'avait pu parler qu'avec mépris : la Prusse. Dans la
Prusse réformée Hegel espérait trouver pour la philosophie, dans une université
réformée, le centre des sciences, un centre d'une vie politique, religieuse et
scientifique. Ce sont donc des réflexions entièrement « machiavéliques » qui
visiblement ont décidé Hegel à accepter l'invitation à Berlin." (p.105)
"Selon le § 278
[des Principes de la philosophie du droit], la « souveraineté
de l'État » consiste en ce qu'elle a rassemblé dans son unité l'individuel et
le particulier de la vie politique et civile ; quand un danger l'exige, cette
souveraineté sauve l'État en « sacrifiant » le singulier et le particulier qui
ont par ailleurs leur justification." (p.106)
"Hegel, par ses
développements propres sur des cas analogues, confirme ce que Machiavel écrit à
l'adresse des princes Médicis : « Vous
avez le droit de votre côté : car la guerre est juste pour celui qui y est
contraint et les armes sont saintes si elles sont l'unique espoir ». Pour
Hegel la première chose à faire est de former une nouvelle Constitution
militaire ; par là il imite Machiavel qui, en pratique comme en théorie, était
un spécialiste des questions militaires." (p.108)
"Hegel ne parle pas
du tout des Discorsi. "(p.110)
"Avineri compare la
tyrannie provisoire du grand homme chez Hegel avec la dictature du prolétariat
chez Marx." (note 19 p.112)
"Dilthey a voulu
voir -à tort- Napoléon dans le Thésée de l'Écrit sur la Constitution. Au vrai,
Hegel a salué en Napoléon certes l'homme de l'action, qui élimine des
conditions politiques dépassées, avant tout aussi le « maître du droit
politique » créant des situations meilleures, mais aucunement un César
Borgia renforcé. Hegel est bien loin de Nietzsche qui oppose l'homme de
la Renaissance à la compréhension du monde propre au moralisme juif ou au
christianisme platonicien, laquelle est pour lui la voie vers le
nihilisme." (p.115)
"[N'en déplaise à Cassirer et Karl Popper] Indépendamment du fait que Hegel a intégré dans son système non seulement l'« idée de puissance », mais aussi le droit naturel, l'analyse de la société civile, la confrontation de la politique avec l'esprit « absolu ») - il n'a jamais lutté pour une unification nationale de tous les allemands. Dans l'Écrit sur la Constitution il recherchait, à la place de la structure dépassée d'une multitude de petits états en Allemagne, un grand État moderne qui le cas échéant aurait aussi pu renoncer à la Prusse, laquelle s'était déjà placée comme en dehors. En mettant son espoir en Napoléon, Hegel montre clairement qu'il s'agit pour lui d'un État modernisé ou d'États modernisés, mais non pas d'une unification « nationale ». On ne devait pas attendre de Hegel des « discours à la nation allemande » ; bien plutôt a-t-il éprouvé une répulsion nette à l'égard des Guerres de libération." (p.116)
-Otto Pöggeler, Études hégéliennes, Paris, Vrin, 1985, 193 pages.
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