jeudi 19 septembre 2024

Hegel, lecteur de Machiavel

"En 1920 parut l'ouvrage de Franz Rosenzweig, Hegel und der Staal, l'itinéraire suivi par Hegel y est décrit comme une voie vers l'affirmation de l'État ; il y est dit de son écrit sur la constitution de l'Allemagne qu'il s'y agit de la puissance, encore de la puissance et toujours de la puissance ; on y renvoie à l'éloge que Hegel fait de Machiavel dans cet écrit.

En 1921 Hermann Heller fit paraître une « Contribution à l'histoire politique de l'esprit » [...] Pour Heller la question fondamentale de son époque est celle-ci : y a-t-il un pont permettant de passer « du peuple des poètes et penseurs au peuple du "sang et fer" » ? La réponse, c'est que ce pont a depuis longtemps été lancé par Hegel ; Hegel est le précurseur de Treitschke et de Bismarck. Alors que les théories du droit naturel au 18e siècle partaient de l'individu et de ses droits, que les théories transpersonnelles de la société présentée par Burke et les romantiques s'alliaient aux conceptions héritées des conservateurs et du christianisme, Hegel développait une pensée transpersonnelle partant résolument de l'État comme puissance. Heller écrit : « On ne risque pas de se tromper sur les opinions politiques d'un peuple si on les cherche dans les jugements qu'ont portés ses guides spirituels sur un homme dont l'image spirituelle provoque des discussions aussi vives aujourd'hui qu'il y a quatre cents ans - personne d'autre que Machiavel n'a été l'inspirateur de l'œuvre de Hegel et Treitschke disait du Florentin que sa gloire sera toujours 'd'avoir clairement exprimé pour la première fois que l'État est puissance' ».

Heller ne se limite pas à montrer comment Hegel, dans l'écrit sur la constitution de l'Allemagne, évoque Machiavel comme modèle ; il cherche bien plutôt à démontrer que Hegel a été par nature un machiavélien. Déjà l'enfant âgé de quatorze ans composait un dialogue entre Antoine, Octave et Lepidus, où les triumvirs se comportent « tout à fait à la manière de Machiavel » et où chacun des trois est décidé à écarter traîtreusement les autres du pouvoir. « C'est vraiment », dit Heller, « une caractéristique objective remarquable des trois réalistes de la politique qui, sans aucune idéologie, savent apprécier la puissance » ; manifestement la sympathie de Hegel va à celui qui est le plus libéré de la morale et le plus assoiffé de pouvoir dans la conscience qu'il a de son but. Assurément on remarque dans l'écrit de Hegel l'influence de Shakespeare ; dans les drames romains de ce dramaturge élizabethain, il s'agit de puissance et de domination ; le visage de Rome y brille comme le modèle à suivre par l'Angleterre en route vers l'Empire. [...]

Heller expose en détail comment Hegel, dans l'Écrit sur la Constitution de l'Allemagne, reprend le « fanatisme d'État », la « religion d'État » de Machiavel. « De toute façon », écrit-il, « nous pouvons constater le fait intéressant que la première doctrine moderne de l'État de puissance apparue en Allemagne se relie à la politique de la Renaissance de Machiavel, laquelle n'a pas été influencée par le courant du droit naturel de cette époque. Assurément la "théorie de l'État de puissance" de Spinoza a été importante pour Hegel." (pp.89-90)

"Shakespeare fait dire à Richard III qu'il agirait si méchamment que même le criminel Machiavel pourrait encore venir s'instruire à son école." (p.91)

"Elkan ajoute comme contrepoids, à la découverte de Machiavel par Fichte, celle par Hegel et Luden et il renvoie aussi à d'autres déclarations contemporaines sur Machiavel. Il indique expressément que cette découverte de Machiavel est due à des circonstances historiques bien déterminées : l'époque de l'effondrement de l'ancien Empire allemand, l'écrasement de la Prusse, la préparation des guerres de libération. « Les dates le démontrent. Les déclarations sur Machiavel se pressent de façon croissante depuis 1802 jusqu'à 1814. » Lorsque Ranke, en 1824, traitait de Machiavel dans sa critique des historiens modernes, ce thème était devenu une affaire purement de science de la littérature." (p.92)

"Hegel a-t-il précisément, dans ses Écrits de jeunesse comme encore en 1801 dans l'Écrit sur la différence entre le système de Fichte et celui de Schelling, caractérisé l'État -c'est-à-dire le simple État de l'entendement propre aux théories du droit naturel- comme quelque chose à dépasser et comme une simple machine. Finalement Rosenzweig, ainsi que Heller, ne négligent-ils pas le libéralisme de Hegel qui s'efforce largement de soustraire à la tutelle politique de l'État la société civile émancipatrice ?" (p.92)

"Un Grec, dit par exemple Hegel (mesurant tout le reste à l'étalon de l'hellénisme), n'aurait absolument pas pu comprendre que l'on prenne pour but de la vie quelque chose d'aussi personnel et privé que l'amour courtois du Moyen Age ; que la jurisprudence se soit développée à Bologne au Moyen Age, cela s'est produit parce que les plus nobles du peuple n'étaient encore « serviteurs d'une idée, serviteurs de la loi qu'en siégeant au tribunal et qu'autrement ils n'étaient que les serviteurs d'un homme ». Ce que Hegel critique dans l'« histoire médiévale de l'Italie moyenne et supérieure », c'est qu'aucun État n'ait pu proprement s'y constituer. L'histoire de l'Italie à cette époque n'a été au vrai que l'histoire d'une multitude d'individus et il est difficile de trouver, dans les relations éphémères entre les individus des points de vue universels ayant une valeur historique. « D'autant plus intéressante », écrit Hegel, « est l'histoire d'individus, car leur individualité ne s'est pas engloutie dans les formes universelles d'État et de constitution ». Mais précisément Hegel porte un jugement négatif sur le principe de l'individualité et du conflit interminable où s'opposent des individus et des familles : « Il n'y avait absolument pas d'idées dominantes... L'exercice de la justice n'était que la victoire d'une faction sur une autre. » A l'individualisme aboutit la formation de la richesse (qui dans les villes italiennes se produisait non pas comme dans la bourgeoisie de l'Europe du Nord mais grâce à une aristocratie de l'argent). A côté de Périclès à Athènes et des patriciens dans la Rome des Gracques, Hegel donne comme exemple les Médicis à Florence pour montrer que la « richesse disproportionnée de quelques citoyens est dangereuse pour la forme la plus libre de constitution et peut détruire la liberté elle-même ». Hegel conclut sa réflexion en disant que « on a peut être été injuste pour le système du sansculottisme en France lorsqu'on n'a recherché que dans la voracité la source de l'égalité plus grande qu'il se proposait »." (p.94)

"Non seulement Hegel fut témoin des effrayants accès de fureur des troupes françaises en Allemagne et des contributions extorquées aux pays occupés, mais il eut aussi des nouvelles directes par ses amis -Sinclair le fonctionnaire de Hombourg et le négociateur et Hölderlin, l'hôte de Sinclair du Congrès de Rastatt où la France de la Révolution joua de la pire des façons avec les différents pays comme sur un échiquier. Bref, la véritable politique de la France se manifesta comme un machiavélisme mis en pratique." (p.99)

L'Allemagne n'est plus un État » - c'est avec cette plainte que Hegel commence l'Écrit sur la Constitution de l'Allemagne. Hegel voit-il comment en sortir ? Il place son espoir en l'Autriche, et cela parce que là-bas -à l'encontre de ce qui se passe en Prusse- y est encore vivante la représentation de l'individu, sa participation au pouvoir du tout grâce aux états qui le représentent. Hegel espère une restauration de l'Empire qui s'écroule. Mais il sait aussi que cette restauration ne se fera pas avec des réflexions, des paroles et des négociations. Si l'Allemagne redevient un État -un tout s'affirmant lui-même, organisé unitairement- « pareil événement serait le fruit non pas de la réflexion mais de la contrainte, même si c'était conforme à l'état d'esprit général et qu'on en sentît le besoin profondément et nettement ». Une conception intelligente « engendre une telle méfiance qu'elle doit être légitimée par la contrainte [sic] et alors l'homme s'y soumet ». Ainsi Hegel réclame un Thésée qui, comme le Thésée d'Athènes, rassemble par la force les petits peuples divisés mais qui a aussi assez de magnanimité pour donner à son peuple une constitution démocratique, c'est-à-dire dans les grands États modernes : un système représentatif.

Or c'est précisément un pareil Thésée que Machiavel, dans les conclusions émouvantes du Principe, auxquelles Herder avait déjà renvoyé, avait réclamé pour l'Italie, c'est-à-dire pour ce pays qui était tombé avant l'Allemagne dans l'émiettement et qui ainsi avait été livré aux déchirements internes et aux puissances étrangères. [...]

Comme Herder, Hegel considère que le propos du livre est tout à fait lié à une époque historique. Voici ce qu'il écrit dans son livre sur la Constitution de l'Allemagne : « Immédiatement après avoir lu l'histoire des siècles antérieurs et de l'Italie contemporaine de Machiavel, et en conservant l'impression qu'on en a retirée, il faut aborder la lecture du Prince et alors non seulement ce livre paraîtra justifié mais on y trouvera aussi une conception très élevée et très vraie sortie d'une tête authentiquement politique et douée d'un sens le plus grand et le plus noble. »
Machiavel montre qu'il est le patriote qui voulait conduire l'Italie à l'unité et la libérer des puissances étrangères. [...]

Hegel dit qu'on ne guérit pas des membres gangrenés avec de l'eau de lavande et qu'une vie proche de la putréfaction ne peut être réorganisée que par la violence." (pp.97-98)

"Combien les conceptions politiques de Hegel se modifient dans l'Écrit sur la Constitution, c'est ce que montre le jugement sur Caton le Jeune (Schriften zur Politik und Rechtsphilosophie). Il avait le "privilège d'être mené par quiconque avait la liberté à la bouche ». Au vrai il a été le principal artisan de la domination unique de Pompée -non par amitié pour Pompée, mais parce que l'anarchie est le plus grand mal". Il s'est tué non pas parce que l'ancienne liberté était perdue (cette liberté s'était depuis longtemps transformée en anarchie), mais sa mort a été bien plutôt une affaire de partis : le partisan de Pompée n'avait pas voulu se soumettre à César, l'ennemi diffamé et haï. - Mais il est arrivé à Hegel lui-même d'avoir célébré Caton comme un républicain. Déjà à Tubingue il disait de lui que la patrie avait rempli toute son âme." (note 11 p.98)

"Quelques années après ces déclarations, en 1805 / 6, Hegel reprit ce thème dans sa Realphilosophie. Il parle à nouveau de Machiavel comme du grand patriote ; mais maintenant il compare le Thésée réclamé par Machiavel avec le Robespierre auquel s'appliquait autrefois tout le mépris du jeune Hegel et de ses amis. Pour constituer un État, continue Hegel, il faut que la volonté individuelle devienne la volonté universelle. Cette constitution ne peut pas être conçue comme un contrat, même si on insinuait que ceux qui appartiennent à l'État se sont liés tacitement à quelque chose de déterminé. En réalité, dit Hegel, les États ont été fondés par la « contrainte élevée de grands hommes », laquelle n'est assurément pas la force physique. Bien plutôt, dans la contrainte qu'ils exercent, les grands hommes ont pour eux la volonté universelle, l'en-soi des volontés individuelles. « Ce qui est préalable dans le grand homme, c'est qu'il connaît et exprime la volonté absolue. Tous se rassemblent autour de sa bannière ; il est leur dieu. C'est ainsi que Thésée a fondé l'État d'Athènes ; c'est ainsi que dans la Révolution française une terrible contrainte a soutenu l'État, le tout en général. Cette contrainte est non pas despotisme, mais tyrannie, pure domination effrayante ; mais elle est nécessaire et juste, dans la mesure où elle constitue et soutient l'État comme cet individu réel. Cet État est le simple esprit absolu qui est certain de lui-même et pour qui rien ne vaut comme déterminé que lui-même, nul concept de bien et de mauvais, de honte et de vil, de perfidie et de tromperie ; il dépasse tout cela car, en lui, le mal est réconcilié avec lui-même. »

Cependant la pure domination effrayante n'est qu'un moment passager dans la constitution un État et elle ne doit pas se poser absolument. Il faut que Thésée ne garde pas dans les mains la domination et, pour son action nécessaire, il ne peut récolter que l'ingratitude. Le tyran doit ainsi être l'esprit certain de lui-même « qui, comme le dieu, n'agit qu'en en et pour soi ». S'il n'a pas la sagesse de se démettre au bon moment de la tyrannie, sa « divinité » n'est que la divinité de l'animal, c'est-à-dire « la nécessité aveugle qui mérite précisément d'être détestée comme le mal ». C'est de cette façon détestable que Robespierre a utilisé la tyrannie. « Sa force l'a abandonné, parce que la nécessité l'avait abandonné, et ainsi il a été violemment renversé. Ce qui est nécessaire se produit mais chaque partie de la nécessité n'est habituellement conférée qu'à des individus. L'un est l'accusateur et l'avocat, l'autre le juge, le troisième le bourreau ; mais tous sont nécessaires. »." (pp.99-100)

"Comment Hegel a-t-il considéré Machiavel et la Renaissance dans ses cours de Berlin, alors qu'il avait achevé de former son système ?" (p.101)

"Outre le platonisme et le néoplatonisme, avant tout celui de l'Académie de Florence, Hegel met en valeur le cicéronianisme qui est redevenu tout à fait présent en Pétrarque. L'aspect de la Renaissance dont Hegel, dans les Leçons sur l'Histoire de la philosophie, traite le plus en détail et dans le contexte, c'est la restauration des sciences. Là il parle surtout de Giordano Bruno. Jacobi, dans son petit livre sur Spinoza, avait bien attiré l'attention sur Bruno. Cependant, pense Hegel, ce parallélisme « avait valu à Bruno une renommée dépassant son mérite ». Machiavel est nommé à côté de Montaigne, comme un de ces hommes dont les écrits appartiennent non pas proprement à la philosophie, mais à la culture générale. « Leurs écrits appartiennent à la philosophie dans la mesure où de pareils hommes ont été créateurs à partir d'eux-mêmes, de leur conscience, de leur expérience, de leur observation, de leur vie. Pareil raisonnement et pareille connaissance sont diamétralement opposés à la connaissance scolastique antérieure. » [...]

Hegel approuve ainsi la Renaissance avec l'éclat de son art, le renouvellement de la science et le regard réaliste porté sur ce qui est, en se tournant vers le monde. La Renaissance demeure cependant pour Hegel une simple époque de transition -le Moyen Age se dissout et on va vers les temps modernes- car il l'aperçoit marqué par une scission. Seule la Réforme, en renouvelant la conscience morale et sa liberté, présente pour Hegel le principe des temps modernes ; à l'opposé, ce qui marque encore la Renaissance, c'est qu'elle extorque, grâce au commerce des indulgences, de l'argent pour les débauches romaines. "Certes tout cet argent n'est pas employé pour les débauches et il sert bien aussi à construire Saint-Pierre, le monument magnifique de la chrétienté là où se trouve le centre de la religion. Mais de même que le chef d'œuvre de tous les chefs d'œuvre, Athènes et son Acropole, édifiés grâce à l'argent des alliés d'Athènes, firent le malheur d'Athènes et lui firent perdre ses alliés et sa puissance, ainsi l'achèvement de Saint-Pierre avec sa coupole dressée par Michel-Ange, le peintre du Jugement dernier dans la Chapelle Sixtine, devient le jugement dernier pour l'édifice fier et altier de la hiérarchie ». Ce qui, d'après l'interprétation idéaliste, est entré dans le monde avec la Réforme -la liberté que l'homme trouve comme sa propriété-, ce qui, grâce aux Lumières et à la Révolution française a été pris comme principe pour modeler le monde, cela, pense Hegel, ne pouvait pas être suffisamment compris par la Renaissance parce que l'art n'exprime pas en général de façon tout à fait adéquate ce principe de l'histoire universelle." (pp.103-104)

"Machiavel apparaît alors comme l'écrivain politique qui a consciemment laissé de côté les positions et les présuppositions transcendantes et qui dans le domaine politique met en valeur l'expérience. Il est toujours considéré avant tout, à partir du livre sur le Prince, comme le patriote qui s'efforce d'unifier un pays divisé. « Souvent on a rejeté ce livre avec dégoût comme contenant les maximes de la tyrannie la plus cruelle ; mais Machiavel, doué d'un sens élevé de la nécessité de constituer un État, a posé les principes suivant lesquels il faut former les États dans ces conditions-là. Il fallait absolument soumettre les seigneurs et les dominations particulières ... » Les potentats qui « avaient en propre un manque absolu de conscience » et une « totale dépravation » ne pouvaient être soumis que par une « violence brutale » pour que « peu à peu se constituât un état meilleur ».

Lorsque Hegel -encore dans les traits fondamentaux qu'il avait présentés dans l'Écrit sur la Constitution- montre comment s'est développé l'État dans l'Europe du Moyen Age et des temps modernes, il peut faire bien comprendre quel a été le destin de l'Italie et combien avait raison le patriote Machiavel. Hegel présente une justification historique de Machiavel, mais il n'a plus recours à Machiavel pour venir au secours de sa propre époque. Il n'y a plus pour Hegel à jouer le rôle d'un « Machiavel de l'Allemagne », d'être celui qui rappelle qu'il faut unifier et restaurer l'État. Entretemps il avait été rempli d'admiration pour Napoléon ; mais il l'admirait comme le Thésée assez magnanime pour donner aux petits peuples rassemblés une constitution démocratique, ce qui s'appelle, dans les grands États modernes différenciés : un système représentatif. (Cette manière -qui était peut-être une illusion- de considérer Napoléon apparaît très clairement dans la lettre de Hegel à Niethammer du 29.8.1807.) Après la chute de Napoléon, Hegel avait accepté en Allemagne les nouveaux États particuliers réformés et il s'était tourné vers le pays dont, dans l'Écrit sur la Constitution, il n'avait pu parler qu'avec mépris : la Prusse. Dans la Prusse réformée Hegel espérait trouver pour la philosophie, dans une université réformée, le centre des sciences, un centre d'une vie politique, religieuse et scientifique. Ce sont donc des réflexions entièrement « machiavéliques » qui visiblement ont décidé Hegel à accepter l'invitation à Berlin." (p.105)

"Selon le § 278 [des Principes de la philosophie du droit], la « souveraineté de l'État » consiste en ce qu'elle a rassemblé dans son unité l'individuel et le particulier de la vie politique et civile ; quand un danger l'exige, cette souveraineté sauve l'État en « sacrifiant » le singulier et le particulier qui ont par ailleurs leur justification." (p.106)

"Hegel, par ses développements propres sur des cas analogues, confirme ce que Machiavel écrit à l'adresse des princes Médicis : « Vous avez le droit de votre côté : car la guerre est juste pour celui qui y est contraint et les armes sont saintes si elles sont l'unique espoir ». Pour Hegel la première chose à faire est de former une nouvelle Constitution militaire ; par là il imite Machiavel qui, en pratique comme en théorie, était un spécialiste des questions militaires." (p.108)

"Hegel ne parle pas du tout des Discorsi. "(p.110)

"Avineri compare la tyrannie provisoire du grand homme chez Hegel avec la dictature du prolétariat chez Marx." (note 19 p.112)

"Dilthey a voulu voir -à tort- Napoléon dans le Thésée de l'Écrit sur la Constitution. Au vrai, Hegel a salué en Napoléon certes l'homme de l'action, qui élimine des conditions politiques dépassées, avant tout aussi le « maître du droit politique » créant des situations meilleures, mais aucunement un César Borgia renforcé. Hegel est bien loin de Nietzsche qui oppose l'homme de la Renaissance à la compréhension du monde propre au moralisme juif ou au christianisme platonicien, laquelle est pour lui la voie vers le nihilisme." (p.115)

"[N'en déplaise à Cassirer et Karl Popper] Indépendamment du fait que Hegel a intégré dans son système non seulement l'« idée de puissance », mais aussi le droit naturel, l'analyse de la société civile, la confrontation de la politique avec l'esprit « absolu ») - il n'a jamais lutté pour une unification nationale de tous les allemands. Dans l'Écrit sur la Constitution il recherchait, à la place de la structure dépassée d'une multitude de petits états en Allemagne, un grand État moderne qui le cas échéant aurait aussi pu renoncer à la Prusse, laquelle s'était déjà placée comme en dehors. En mettant son espoir en Napoléon, Hegel montre clairement qu'il s'agit pour lui d'un État modernisé ou d'États modernisés, mais non pas d'une unification « nationale ». On ne devait pas attendre de Hegel des « discours à la nation allemande » ; bien plutôt a-t-il éprouvé une répulsion nette à l'égard des Guerres de libération." (p.116)

-Otto Pöggeler, Études hégéliennes, Paris, Vrin, 1985, 193 pages.

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