Voici le texte suivi de mon commentaire, lequel reçu la note –décevante- de 6.5/20.
« [Socrate] : Nous
sommes bien d'accord qu'une nature différente doit se consacrer à une
occupation différente, et nous que la nature de la femme et celle de l'homme
sont différentes. Or nous affirmons à présent que ces natures, qui sont différentes,
doivent avoir la même occupation. C'est de cela que vous nous accusez ?
[Glaucon] : Oui,
parfaitement.
[Socrate] : Certes,
elle est imposante, Glaucon, dis-je, la puissance de l’art de la
controverse !
[Glaucon] : En
quoi ?
[Socrate] : C'est
que, dis-je, il me semble que beaucoup de gens y succombent même malgré
eux ; ils croient non pas disputer, mais dialoguer, alors qu’en fait ils ne
sont pas capables d'examiner ce dont on parle en y distinguant des espèces
différentes, mais s’attachent aux mots en eux-mêmes pour aller à la chasse de
la contradiction dans les termes employés : c’est une dispute, non un
dialogue, que la relation qu’ils ont entre eux.
[Glaucon] : En
effet, dit-il, c’est bien ce qui arrive à beaucoup de gens. Mais est-ce que
nous aussi ce reproche nous atteint en ce moment ?
[Socrate] : Oui,
tout à fait, dis-je. Nous risquons bien, malgré nous, de nous adonner à la
controverse.
[Glaucon] : Comment
cela ?
[Socrate] : L’idée
que des natures qui ne sont pas les mêmes ne doivent pas avoir les mêmes
occupations, nous la poursuivons avec beaucoup de vaillance et de goût de la
dispute, en nous rattachant aux mots, mais nous n’avons nullement examiné
comment définir tant l’espèce de la nature autre que celle de la nature
identique, et à quoi chacune se rapportait, au moment où nous avons attribué
des occupations différentes à une nature différente, et les mêmes à la même.
[Glaucon] : Non, en
effet, dit-il, nous ne l'avons pas examiné.
[Socrate] : Dès lors,
dis-je, il nous serait possible, apparemment, de nous demander si la nature des
chauves est la même que celle des hommes chevelus, et non pas opposée, puis, après
être tombés d’accord qu’elle est opposée, s’il se trouvait que les chauves
fassent les savetiers, de ne pas le permettre aux chevelus, et au cas où ce
seraient les chevelus, de ne pas le permettre aux autres.
[Glaucon] : Ce
serait certes risible, dit-il.
[Socrate] : Est-ce
que par hasard, dis-je, ce serait risible pour une autre raison que
celle-ci : parce que nous n'avons pas posé la nature identique et la nature
différente au sens absolu, mais que nous n'avons pris garde qu'à l'espèce
d'altérité et de similitude qui se rapporte à ces occupations mêmes ? Par
exemple, nous avons pu dire qu'un homme doué pour la médecine, et un autre qui
a l'esprit médical ont la même nature. Ne le crois-tu pas ?
[Glaucon] : Si.
[Socrate] : Tandis
qu’un homme doué pour la médecine et un homme doué pour la charpenterie en ont
une différente ?
[Glaucon] : Oui,
absolument.
[Socrate] : Par
conséquent, dis-je, pour le genre des hommes comme pour celui des femmes, s'il
apparaît qu’ils différent pour l'exercice de tel art ou d telle occupation,
nous déclarerons effectivement qu’il faut conférer cette occupation à l'un ou
bien à l’autre ; mais s’ils n’apparaissent différer que sur ce seul point,
à savoir que le genre féminin enfante, et que le genre masculin engendre, nous
affirmerons qu'il n'a nullement été démontré pour autant que la femme diffère
de l'homme pour ce dont nous parlons, et nous continuerons nous à croire que
nos gardiens et leurs femmes doivent avoir les mêmes occupations.
[Glaucon] : Et nous aurons
raison, dit-il.
[Socrate] : Par
conséquent pourquoi ne pas inviter ensuite celui qui parle pour nous contredire
à nous apprendre précisément ceci : pour quel art ou pour quelle occupation,
parmi ceux qui touchent l'organisation de la cité, la nature de la femme et celle
de l'homme sont non pas la même nature, mais des natures différentes ?
[Glaucon] : Oui, ce
serait juste.
[Socrate] :
Peut-être bien que ce que tu disais un peu auparavant, un autre aussi le dirait,
à savoir que répondre sur-le-champ de façon satisfaisante, ce n'est pas de
facile, mais que si on examine la question cela n’a rien de difficile.
[Glaucon] : Oui,
peut-être le dirait-il.
[Socrate] : Veux-tu
alors que nous demandions à celui qui nous oppose de tels arguments de nous suivre
pour notre démarche, pour voir si nous pourrons lui démontrer qu'il n'existe
aucune occupation qui soit propre à une femme, si l’on considère l'administration
de la cité ?
[Glaucon] : Oui,
certainement. »
-Platon, La République, V, 453e-455b
(traduction Pierre Pachet modifiée).
***
« La dernière fois,
nous avions vu comment la polémique de Socrate contre les sophistes –et en
particulier contre Thrasymaque, qui niait que la vie de l’homme juste soit
meilleure que celle de l’homme injuste- le conduit à décrire ce que serait une
cité organisée conformément à la justice. Nous sommes maintenant au milieu du
livre et nous travaillons un extrait du Livre V de la République. Platon met ici en scène un échange entre son maître
Socrate et l’hôte de celui-ci, Glaucon. Le thème général du texte, ce serait
quelque chose comme le principe, le critère permettant d’établir la division
sociale du travail idéale. Par division sociale du travail, il faut entendre la
manière dont les activités productives de richesses se répartissent entre les
hommes de la société. On reconnaît ce thème du travail par les noms de métiers
(les « savetiers », la « médecine »), mais Socrate parle
aussi d’ « art » ou d’ « occupation ». Je prends donc le
terme de travail, soit la production de richesses, dans un sens très
large : production de biens et de services. Ce qui permet d’y faire
rentrer les « gardiens », c’est-à-dire la caste de la cité idéale
chargée d’assurer la sécurité interne et externe. Comme le texte touche aussi à
la légitimité des femmes à faire partie des couches dirigeantes, on pourrait
aussi dire que le thème du texte est le politique –pris dans un sens large qui
déborde les institutions politiques pour englober l’ensemble de l’organisation
sociale. Socrate –du moins tel que le dépeint Platon- critique l’ordre social
existant à son époque, c’est-à-dire la démocratie athénienne. Il souhaite une
autre organisation de la société, que d’aucun pourrait qualifier d’autoritaire
ou « de droite ». Ce qui nous importe, c’est la manière dont il va le
justifier. Qu’est-ce qui, en droit, c’est-à-dire idéalement, devrait déterminer
l’organisation sociale ?
Juste avant le début de l’extrait, Socrate vient d’affirmer
que, dans une cité parfaitement juste, les femmes de la caste des gardiens
auraient la même éducation et la même activité que les hommes de cette caste.
Ces gardiens sont donc un groupe mixte. C’est une idée tout à fait provocante
et même excentrique pour les contemporains de Socrate. Imaginez : des
femmes dans la police et l’armée ! Cela n’existe pas à l’époque : la
police est assurée par des esclaves publiques et l’armée est réservée aux
citoyens adultes masculins. Il n’y a qu’à Sparte que les femmes suivent une
éducation militaire. Or Sparte est la cité rivale d’Athènes. Le discours de
Socrate est donc doublement choquant et incongru pour ses interlocuteurs.
Socrate le sait, et c’est donc pour contrer par les
critiques qu’on pourrait lui adresser qu’il imagine une objection qu’on
pourrait lui faire. On reconnaît que c’est un discours rapporté à son usage de
la deuxième personne du pluriel (« vous nous accusez »). Socrate fait
comme si quelqu’un était dans la pièce pour le contredire. Imaginer un
contradicteur est une méthode rhétorique pour lui permettre de préciser sa
pensée, d’éviter les malentendus.
L’objection qu’il imagine est la suivante. Socrate admet
qu’il existe des êtres de nature différente. La nature d’un être, c’est le
principe qui fait de lui ce qu’il est, qui lui confère sa permanence, sa
spécificité par rapport aux êtres différents ainsi que sa similitude par
rapport aux êtres de la même catégorie, de la même classe, du même genre. Il
faut donc entendre ici le terme de nature au sens de l’essence de la chose. Par
exemple, l’eau est un genre de liquide ; le triangle est une figure
géométrique, etc. Socrate admet aussi que la femme et l’homme sont de nature
différente. Il y a ici une difficulté qui pourrait justifier une très longue
disgression. La femme et l’homme n’ont-ils pas en partage la même nature, qui
est la nature humaine ? Certes, la sexuation implique une différentiation,
et seul « le genre féminin enfante » (comme l’observe plus loin
Socrate). Mais n’est-ce pas une différence secondaire, superficielle,
accidentelle ? Ce que partage les deux individus n’est-il pas plus
fondamental que ce qui les distingue ? Mais comment pourrait-on le
savoir ? Comment peut-on, sans arbitraire, hiérarchiser les éléments qui
caractérisent un individu et séparer ce qui relève de l’essentiel et ce qui ne
l’est pas ? Comment isoler sa nature ? Pourquoi telle différence
entre deux choses serait-elle cruciale, décisive ? Au-delà de quel(s)
changement(s) l’individu aura-t-il perdu sa soi-disant nature ? Est-il
raisonnable de croire à l’existence d’essences ainsi défini ?
Socrate, en tout cas, ne doute pas que l’homme et la femme
soient de nature différente. Il affirme qu’une différence de nature fonde la
légitimité d’une différence de fonction sociale, de métier, etc. Il devrait
donc conclure de ses prémisses qu’une femme ne peut pas, dans une cité juste,
avoir la même occupation qu’un homme. Ne pas tirer cette conclusion, c’est
manquer à la cohérence, c’est être illogique. Or c’est ce que fait Socrate,
puisqu’il veut qu’il y ait des femmes parmi les gardiens de la cité. Non pas
simplement des citoyennes ayant épousées des gardiens, mais des citoyennes
occupées aux mêmes tâches de surveillance et de répression. Le discours
politique et morale de Socrate est donc entachée [sic] d’une contradiction.
Socrate se contredit. C’est la preuve qu’il commet une erreur, il ne peut pas
tenir un discours vrai, logique.
Tel est [sic] l’objection que Socrate se fait à lui-même,
anticipant sur un contradicteur possible. Comment va-t-il faire pour se tirer
de ce faux pas ?
Tout d’abord, Socrate attribue une telle objection
potentielle à la séduction de l’esprit de controverse. La controverse est une
corruption du dialogue philosophique authentique, qui est un échange de paroles
en vue de progresser en commun vers la vérité. La controverse dégrade cette
activité au rang de la joute, de la « dispute », de la chiquanerie
verbale. La controverse est séduisante parce qu’elle permet de paraître
triompher de l’adversaire. Elle procède pour cela en s’attachant aux mots
eux-mêmes, plutôt qu’à la nature des choses. Elle est une
« puissance » parce qu’elle est une séduction, mais aussi parce
qu’elle permet de remporter des victoires faciles, apparentes, mondaines. Elle
est ce que pratique les rhéteurs et les démagogues qui prospèrent sous le
régime démocratique. Son moyen est la poursuite des contradictions du discours.
Elle en reste à un niveau purement logique. Elle ne nous apprend pas ce que
sont les choses. La controverse utilise son art à elle, c’est-à-dire sa
technique rhétorique (« art » traduit ici le latin ars qui traduit le
terme grec techné, qui désigne un savoir-faire technique, artisanal,
artistique, ou autre). Le logicisme chicanier trahit selon Socrate une
impuissance à connaître les choses mêmes. C’est l’art de ceux qui sont
« [in]capables d’examiner ce dont on parle en y distinguant des espèces
différentes ». Il faut donc dépasser ces frivolités polémiques et chercher
un véritable savoir (épistémé en grec), lequel consiste à cerner la nature de
la chose. Ce dépassement est une exigence ardue et Socrate admet avec
l’honnêteté avoir lui-même « le goût de la dispute », ce qui est une
manière d’excuse pour l’équivoque possible de son discours et l’objection qui
s’ensuit. Il reconnaît ne pas avoir clarifié « comment définir » ce
qu’est avoir une nature différente (« nature autre ») ou avoir la
même nature (« nature identique »).
Glaucon reconnaît cette lacune. Socrate reprend la parole
et tire les conséquences de cette imprécision entourant l’identité de nature.
Que pouvait-il vouloir dire en affirmant que des individus de nature différente
doivent exercer « une occupation différente » ? Qu’est-ce que
cette différence ? A quoi reconnaît-on une différence essentielle, susceptible
de permettre ou d’interdire l’exercice d’une activité ?
Pour faire saisir ce qu’est cette différence, Socrate
emploie d’abord une méthode négative. Il va montrer ce qu’elle n’est pas. Il
considère une possibilité : on pourrait se demander si les chauves sont de
même nature que ceux qui ne le sont pas. Socrate admet qu’ils sont de nature
distincte, et même « opposée ».
Ici encore, la difficulté justifierait qu’on s’y arrête.
Comment un homme chauve et celui qui ne l’est pas peuvent-ils être d’une nature
–c’est-à-dire d’une essence- différente ? Ne sont-ils pas tout deux
différents exemplaires d’une même espèce humaine ? Ou bien faut-il
maintenant comprendre que n’importe quelle différence entre deux individus fait
une différence de nature ? Mais alors leur nature n’a plus rien à voir
avec une essence. Car entre deux individus, on trouvera toujours une différence
(en l’absence de différence il n’y aurait pas deux individus mais un seul. Il y
aurait identité, indistinction). Si une différence exclut une communauté de
genre, alors il n’y a pas de genre commun à deux individus différents. Il n’y a
donc aucune nature commune à deux individus. Il n’y a que des singularités,
dont le langage (général, fixiste) ne rend pas compte. Si ce nominalisme était
exact, la fidélité à la vérité de la chose ne nous obligerait-elle pas à
renoncer à en dire quoi que ce soit, et nous contenter, comme Cratyle, de la
désigner du doigt ?
Laissons cette difficulté à laquelle la suite du texte
répondra peut-être. Posons que l’homme chauve n’est pas de même nature que
l’homme chevelu. Socrate, avec l’approbation de Glaucon, souligne qu’il serait
ridicule de vouloir arguer de cette différence (de nature…) pour
justifier de confier aux uns une profession à l’exclusion des autres.
Le ridicule de la conséquence permet à Socrate de justifier
que, lorsqu’il a affirmé que la justice exigeait que la différence des natures
se traduise par une position différente dans la hiérarchie sociale, il
n’entendait pas une différence de nature « au sens absolu ».
Qu’est-ce que ça veut dire ? Est absolu ce qui n’a pas d’exception, ce qui
est vrai ou effectif, partout et toujours. Par exemple, si un théologien dit
que la puissance de Dieu est absolue, cela signifie qu’elle s’applique partout,
qu’elle englobe tout ; Dieu peut tout faire, à tout moment, etc. Donc,
lorsque Socrate dit qu’il ne fallait pas entendre une différence de nature au
sens absolu, cela veut dire que ce n’est pas l’existence d’une différence
quelconque (comme avoir des cheveux) qui justifie une inégalité de rôle social.
Ce n’est pas l’absence de toute exception qui est nécessaire pour ordonner la
distribution des rangs selon la justice (elle supprimerait en fait
l’individualité et donc le problème). Ce n’est donc pas de la différence de
nature en soi, dans l’absolu, dont il est question. On peut éviter l’impasse du
nominalisme : on ne cherche pas à donner la même occupation à des
individus absoluments [sic] identiques, mais semblables et différents sous un
certain rapport. Et ce rapport est celui des « occupations mêmes ».
Ainsi, lorsqu’un homme « doué pour la médecine » est dit de nature
différente de celui qui ne l’est pas, Socrate veut dire qu’il est d’une nature
qui diffère de manière relative, partielle, limitée, spécifique.
En quoi consiste cette différence relative ? C’est une
différence capacitaire, une différence de techné, de savoir-faire, de maîtrise
technique. L’homme doué pour la médecine (ou la « charpenterie »,
etc.) possède une puissance que les autres n’ont pas (ou pas au même degré).
Cette puissance semble de nature intellective, puisque Socrate identifie la
maîtrise de l’art médical avec « l’esprit médical ». (A se limiter à
ce seul texte, on pourrait soupçonner Socrate-Platon de sous-estimer
l’importance du corps, du geste, du coup de main, dans l’exercice d’une
techné). Cette inégalité de capacité, de compétence à faire telle ou telle
chose, est le critère que veut faire prévaloir Socrate dans l’organisation de
la cité selon la raison. Il est juste, il est raisonnable que ceux qui sont les
meilleurs pour faire une certaine activité exerce ce métier. Les autres devront
faire autre chose ; dans une autre occupation ils pourront peut-être
manifester une excellence relative qui leur est propre. Il y a donc autant de
natures individuelles que de talents susceptibles de maîtriser les différentes
activités.
(On pourrait adresser plusieurs critiques à la validité de
ce raisonnement. La diversité de nature des individus est ici inférée de la
diversité des activités sociales. Est-ce à dire que lorsque le degré de la
division sociale n’est pas le même entre deux sociétés, on trouve une moins
grande diversité des natures des individus qui la compose ? Et une plus
grande diversité lorsqu’il y a un accroissement historique de la division du
travail (formation d’un secteur industriel, tertiaire, etc.). Mais qu’est-ce
donc que cette étrange « nature » qui fluctue au gré des formes
historiques du monde social ? Ne serait-elle pas tout à fait autre chose,
cette puissance, que l’ordre cosmique, fixe et harmonieux censé servir de
boussole à l’ordre social ? … Que d’embarras, tout de même, à convoquer la
nature ! N’aurait-il pas été autrement plus simple, et moins risqué,
d’observer que les individus n’ont pas les mêmes aptitudes –lesquelles peuvent
bien être acquises et non point naturelles, sinon sur fond d’une commune nature
humaine limitant nos possibilités- et qu’il est avantageux à tous que chacun
fasse ce à quoi il est le plus excellent –ce qui couvre d’ailleurs aussi une
part de goût -qui n’est pas une technique- de motivation, dont la naturalité
est douteuse, etc.).
Voilà pour le problème principal du texte. Ayant précisé
son critère pour répartir les occupations dans une cité réellement juste,
Socrate peut en revenir à la place des femmes, et écarter définitivement le
soupçon d’incohérence dont son discours aurait pu faire l’objet. Il reconnaît
certes que la femme et l’homme sont différents sur le plan biologique. La
génération est mis [sic] en œuvre par « le genre masculin », tandis
que le « genre féminin » (d’une manière plus passive qui pourrait
préfigurer la théorie aristotélicienne en la matière) conduit le mouvement
impulsé jusqu’à terme et « engendre ». Mais cette différence
biologique est insuffisante à fonder en raison l’ordre social. La pensée politique
qui se déploit [sic] dans La République, pour être hiérarchique et autoritaire, n’est
nullement proto-hitlérienne. Ce serait même confondre deux ordres de choses
distinct que de rabattre la place des individus sur la différence biologique.
En effet, la raison, la justice exige de donner à chacun l’occupation pour
laquelle il est le plus apte. Il faut se demander non pas si deux individus
diffèrent biologiquement, mais quels sont leurs capacités, leurs compétences
techniques. Or, dans cet ordre, « il n’a nullement été démontré que la
femme diffère de l’homme », conclut Socrate. Il n’y a donc pas de
contradiction à envisager qu’une femme soit aussi apte qu’un homme pour exercer
des tâches de maintien de l’ordre et de défense militaire. On peut l’envisager
a priori.
A cette conclusion, qui surprend par sa modernité, Socrate ajoute, à la fin de l’extrait, qu’il est prêt à avancer des arguments supplémentaires pour prouver que la sexuation ne destine pas l’individu à une tâche sociale spécifique, prédéterminée. Le long développement passé à réfuter l’objection d’incohérence, ainsi que l’annonce d’une argumentation renouvelée, laisse deviner le scepticisme des interlocuteurs du philosophe devant un discours qui bouscule les fondements (genrés et démocratiques) de l’organisation sociale. Les socratiques, eux aussi, peuvent faire des considérations intempestives. »
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