« Le problème
que nous avons eu, assure Gurner, 41 ans, costume cintré et cheveux en
arrière, est que les gens ont décidé qu’ils ne voulaient plus travailler autant
depuis le Covid, et que ça a eu un impact
colossal sur la productivité. […] Ils ont été payés cher pour ne pas faire
grand-chose ces dernières années, et nous avons besoin que ça change. »
Avant de sortir l’arme fatale : « nous avons besoin que le chômage augmente. Le chômage doit
bondir de 40-50 %, de mon point de vue. Nous avons besoin de voir de la
souffrance dans notre économie. Nous avons besoin de rappeler aux gens qu’ils
travaillent pour leur employeur, et non l’inverse. Il y a eu un changement
systématique avec des employés qui estiment que l’employeur a énormément de
chance de les avoir, et non l’inverse. C’est cette dynamique qu’il faut
changer. Nous devons écraser cette arrogance, et ça doit se faire en faisant
souffrir l’économie. »
(Source : François Vaneeckhoutte, Libération, 13 septembre 2023).
« Pour assurer et maintenir la prospérité de nos manufactures, il est
nécessaire que l'ouvrier ne s'enrichisse jamais, qu'il n'ait précisément
que ce qu'il lui faut pour se bien nourrir et se vêtir. Dans une certaine
classe du peuple, trop d'aisance assouplit l'industrie, engendre l'oisiveté et
tous les vices qui en dépendent. A mesure que l'ouvrier s'enrichit, il
devient difficile sur le choix et le salaire du travail. Le salaire de la
main-d'œuvre une fois augmenté, il s'accroît en raison des avantages qu'il
procure. C'est un torrent qui a rompu (...).
Personne n'ignore que c'est principalement au bas
prix de la main-d'œuvre que les fabriques de Lyon doivent leur étonnante
prospérité. Si la nécessité cesse de contraindre l'ouvrier à recevoir de
l'occupation, quelque salaire qu'on lui offre, s'il parvient à se dégager de cette
espèce de servitude, si ses profits excèdent ses besoins au point qu'il
puisse subsister quelque temps sans le secours de ses mains, il emploiera ce
temps à former une ligue*. […]
Il est donc très important aux fabricants de Lyon de
retenir l'ouvrier dans un besoin continuel de travail, de ne jamais oublier que
le bas prix de la main d'œuvre leur est non seulement avantageux par lui-même,
mais qu'il le devient encore en rendant l'ouvrier plus laborieux, plus réglé
dans ses mœurs, plus soumis à leurs volontés. »
-L’économiste Etienne Mayet,
Mémoire sur les fabriques de Lyon,
1786.
* Ligue : un syndicat informel (la liberté syndicale n’existant évidemment pas sous l’Ancien régime –ni d’ailleurs pendant les premières décennies de l’âge capitaliste, les syndicats n’ayant été légalisés en France que sous la Troisième République).
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