Une camarade de la manifestation antifasciste du 5 décembre dernier nous a remis le tract suivant :
« Notre République s’est construire contre tout
ce qu’Éric Zemmour défend. Et c’est notre républicanisme qui maintenant nous
demande de parler, notre désir d’émancipation, notre attachement à la tradition
des Lumières, à une certaine idée de cette liberté française qui est notre
beauté.
Fonder une association sur une logique d’opposition
peut paraître maladroit, voire dangereux : mieux vaut dire oui à ce que l’on
est, plutôt que non à ce que l’on ne veut pas être. Il y a déjà beaucoup de
mouvements « anti » de toute sorte qui singent une gauche stéréotypée
en croyant faire de la politique. Nous refusons de tomber dans ce folklore,
l’époque ne nous le permet plus. Crier au loup, évoquer sans arrêt le fantôme
de nos bons sentiments, tout avoir compris sans rien savoir, ces postures
comptent pour rien face à une pensée réactionnaire qui s’est fortifiée dans
l’ombre du néolibéralisme pendant des décennies. Nous nous sommes endormis.
Impréparés, nous sombrons collectivement dans le pathétique.
Nommons l’adversaire de toujours : c’est
l’obscurantisme. C’est la réaction, qui ne croit en rien de bon ni de vrai, qui
détruit l’histoire, la nation et l’avenir en projetant sur notre réalité des
images délirantes. Le camp républicain a toujours été l’adversaire de ce
monstrueux état dans lequel se mettent certains esprits. Les monarchistes
d’hier ont pris les apparences qui vont avec l’air du temps. Vaincus, ils ont
fini par faire leur mue pour mieux pervertir ce régime républicain qu’ils
détestent. Ils sont les héritiers d’une tradition politique faite d’aigreurs et
de renoncements.
Pour eux, Pétain vaut De Gaulle, Pétain est la France
et la France est la leur. Pour eux, la laïcité exclut, l’exclusion sauve et ce
salut est honorable. Pour eux, la politique est pouvoir, le pouvoir est cruel
et la cruauté est juste.
Mais aujourd’hui comme demain notre volonté ne
fléchira pas.
***
Éric Zemmour n’est qu’un bouffon, et il ne fait même
pas rire, mais il agit désormais comme le catalyseur d’une France vindicative.
Éric Zemmour, qu’il serait tentant d’appeler ennemi, car on peut douter qu’il
ne soit qu’un adversaire. N’a-t-on pas devant nous un ennemi, quand un homme se
dit français avec Bugeaud, qui massacra musulmans et juifs en Algérie ?
Quand il dit que le pouvoir ne doit pas se perdre aux mains des femmes ?
Quand il dit que la France n’est pas tout à fait la République ? Mais
puisque, contrairement à lui, nous sommes républicains, il restera pour l’heure
un adversaire : nous ne lui imputons pas les crimes qu’il n’a encore
commis.
Adversaire idéologique, car Zemmour porte en lui les
pires laideurs réactionnaires, fantasme un Etat autoritaire, nie l’universalité
des droits de l’Homme. Lui a compris qu’il y avait là une bataille culturelle.
Elle fait rage dans d’autres pays, avec des conséquences déjà irréversibles.
Chez nous, il use de l’arme favorite de la réaction : la contre-vérité.
L’histoire est pervertie, la gloire change de camp, comme la honte.
Adversaire politique, pour d’évidentes raisons. Pris
d’une folie des grandeurs, il a décidé de devenir son propre héraut, d’entrer
dans l’arène politique pour saisir enfin l’occasion tant attendue par le camp
réactionnaire d’imposer ses fantasmagories dans le débat républicain –et dans
la loi républicaine, s’il venait un jour à en avoir les moyens.
***
Contre lui, nous réaffirmons que le peuple français
est un et indivisible, que la République est son incarnation politique finale,
l’égalité réelle son seul avenir.
Le peuple français est un peuple de citoyens, non pas
une tribu d’hommes blancs.
Et sans la République, dans notre pays, la démocratie
n’existe plus. Il n’y a rien, dans notre pays, après la République. C’est elle
qui soustrait l’individu à ses réseaux de dépendance, c’est elle qui lui permet
de s’émanciper et de choisir. Et contrairement au vide identitaire que prône
Zemmour, la République est une identité, la citoyenneté française est une
identité. Chacun et chacune d’entre nous peut trouver dans le corps politique
national la force d’un projet commun et la fermeté de ces principes qui ont
fait de la France ce qu’elle est aujourd’hui : un pays unique et, à bien
des égards, enviable sur le plan social et politique.
L’égalité réelle est son avenir : cette idée que
tous, quand ils sont inégaux dans les faits, ont le droit d’agir pour y
remédier et pour faire en sorte que l’égalité de droit devienne toujours plus
une égalité réelle.
La dispersion de la gauche et des républicains est la marque
d’une faiblesse programmatique. L'incapacité à s’accorder sur un monde, sur un
projet commun, l’oubli de ce que nous devons à l’idée d’une France républicaine
laissent le champ libre à ceux qui veulent la France contre la République.
Ensemble, nous devons montrer que tous les partisans de l’émancipation sont
capables de se réunir contre les prédicateurs d’une haine intolérable. De ce
point de vue, Zemmour peut nous être utile, s’il permet aux républicains de
retrouver une unité et un élan.
Ils ne veulent pas de nous dans leur France ?
Nous ne voulons pas d’eux dans notre République. La République n’acceptera
jamais la meute qui exclut, notre France n’acceptera jamais l’extrême-droite.
Nous ne laisserons plus salir les noms de nos
aïeux : reprenons-leur Jaurès, Blum et De Gaulle. Qu’ils gardent Pétain et
Laval.
Notre association mènera une lutte quotidienne, aussi
longtemps que nécessaire. Elle portera les aspirations et les enthousiasmes
d’une jeunesse qui ne trouve plus rien aujourd’hui qui lui convienne. Elle
œuvrera à la reconstruction du camp de l’émancipation et au rassemblement des
esprits républicains.
Vive la gauche, vive la République et, à ces
conditions seulement, vive la France. »
Post-scriptum : On pourra également lire avec profit la tribune de l’historien Simon Epstein.
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